Les ateliers Achille Mbembe comme bien d’autres qui suivront sur les auteurs africains visent à promouvoir la connaissance de ces derniers par la lecture rigoureuse de leurs textes. C’est une opportunité pour les jeunes universitaires et chercheurs africains d’approfondir et de valoriser la pensée des meilleurs penseurs du continent. Toutes les disciplines sont concernées. Achille Mbembe par qui on commence en est la porte d’entrée.
I – Argumentaire
Face aux pathologies de notre temps, l’indocilité prend autant une forme intellectuelle qu’un rapport social singulier à un ordre social. Achille Mbembe est aujourd’hui un penseur africain qui a le mérite d’articuler, sur la scène mondiale, une perspective originale sur les temps que nous vivons, y compris la crise sanitaire du COVID-19 et les mutations qu’elle impose à la communauté des vivants. Comment contenir la violence qui émaille les rapports humains pour habiter ensemble ce monde qui est la maison commune de toute l’humanité? Ce questionnement qui traverse la pensée de Mbembe a une trame éthique qui invite à prendre un recul critique par rapport aux réalités de notre temps. Dans ce sens, le « Mbembeisme » est un humanisme qui mérite un peu plus d’attention de la part des intellectuels africains. En effet, quel est l’état de lieux de la réception intellectuelle de l’œuvre de Mbembe en Afrique? Telle est la question centrale de la présente initiative intellectuelle.
Mbembe, qui se situe lui-même dans la tradition intellectuelle noire africaine diasporique, est un auteur prolifique difficile à classer. Sa pensée aux allures encyclopédiques s’abreuve aux sources de plusieurs disciplines dont l’histoire, la science politique, l’esthétique, la sociologie, l’anthropologie, la psychanalyse, la philosophie, la science du numérique, etc. Il s’intéresse à plusieurs questions et aux problématiques contemporaines : l’histoire comparée des colonialismes, les luttes anticoloniales, la condition de l’Africain dans le monde, la violence politique et sociale, l’éthique du vivre-ensemble mondial, la crise migratoire, la mondialisation, la démocratie néolibérale, notre rapport à la technologie, etc.
Dans ses premiers écrits, au milieu des années 80, Mbembe mobilisa le concept d’indocilité pour rendre compte des réponses africaines aux diverses dimensions de la violence coloniale et postcoloniale. Cette indocilité créative, constitue, selon Mbembe une des dimensions fondamentales non seulement de l’historicité des sociétés africaines, mais aussi de leurs ressorts d’émancipation. Ces dernières décennies, Mbembe a mis en avant le concept d’ «Afropolitanisme » pour penser la condition de l’Afrique dans le monde contemporain. En cohérence avec les distances par rapport aux approches nativistes et essentialistes, il propose une ouverture de l’Afrique sur le monde qui est respectueuse de son historicité. Comme intellectuel veilleur et éclaireur, Achille Mbembe pose un regard critique sur les pathologies de son temps : replis identitaires, racismes, crises migratoires, « frontièrisation » du monde et violation du droit de respirer, affres du capitalisme, triomphe de la virtualisation, prise en otage de l’humain par la techno-médecine, pollution de l’environnement et violation du droit de respirer, etc. Les concepts-clés du corpus théorique de l’essayiste (« tout-monde », « semblable », « inimitié », « en-commun », « violence » « brutalisme », etc.) évoquent une utopie du vivre-ensemble en gestation. Un monde viable pour tous, semble le suggérer Mbembe, est un monde où tous, sans exception, jouissent de la liberté de circuler et de respirer.
La traduction de ses principales œuvres en plusieurs langues occidentales, les nombreuses invitations dans les meilleures universités du monde ainsi que l’intérêt grandissant pour les Ateliers de la pensée de Dakar qu’il coorganise avec Felwine Sarr font de Mbembe l’un des intellectuels africains les plus féconds et influents de l’heure. Dans un souci d’évaluer la réception africaine de l’encrage camerounais de l’œuvre d’Achille Mbembe, le présent appel à contribution se propose de rassembler dans le cadre d’un séminaire discussion, les intellectuels de tout bord autour des questions non exhaustives suivantes : quel est l’état des lieux de la réception de son œuvre en Afrique? Quelle est la place de son oeuvre dans les universités et grandes écoles africaines ? Quelle est la place de l’Afrique dans l’œuvre de Mbembe ? En quoi sa pensée éclaire-t-elle l’évolution de l’Afrique depuis la période coloniale jusqu’à nos jours? Ces questions seront abordées au cours du séminaire virtuel qui sera suivi d’un ouvrage collectif.
II- Méthodologie et axes de contribution
Le caractère pluridisciplinaire de l’œuvre de Mbembe commande une relecture plurielle. La présente initiative privilégie l’approche par les textes, d’où la formule séminaire. Il s’agit de lire les textes de Mbembe ou de ses critiques et d’en faire une reprise critique. Les contributions peuvent donc porter sur :
• Un ou plusieurs ouvrages de Mbembe dont on fait une relecture critique suivie d’une présentation virtuelle (voir liste des principaux ouvrages de Mbembe à la fin de cet appel). Les présentations sur les ouvrages (un par session) se feront par ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents.
• Une thématique qu’il aborde dans son œuvre (histoire comparée des colonialismes, luttes anticoloniales, condition de l’Africain dans le monde, violence politique et sociale, l’éthique du vivre-ensemble mondial, crise migratoire, le droit de respirer et de circuler, la mondialisation néolibérale, la démocratie, l’humain et le numérique, diasporas africaines, etc.) et dont on fait une analyse critique.
• Les usages locaux de la pensée de Mbembe aussi bien dans les institutions académiques que dans luttes sociales. Quelle est la contribution de Mbembe à la fécondation de l’imagination scientifique des chercheurs africains en général et camerounais en particulier ?
Les différentes contributions feront l’objet de présentations dans le cadre d’un séminaire virtuel grâce aux outils numériques comme Zoom, direct facebook, etc. Ensuite les intervenants auront l’opportunité de retravailler leurs présentations. Une sélection de contributions sera publiée dans un ouvrage collectif qui peut servir d’introduction à la pensée de Mbembe dans les milieux académiques en Afrique.
III- Calendrier
– Date limite de soumission intentions de communication (résumé de 250 mots): 30 juin 2020
– Date limite notification d’acceptation: 15 juillet 2020
– Date limite de réception des textes complets : 15 décembre 2021
– Période de séminaire virtuel : 15 janvier au 31 mars 2021
– Date limite retour des textes finalisés : 15 mai 2021
– Parution de l’ouvrage : 31 juillet 2021
IV- Modalités de soumission
Les intentions de contribution doivent être accompagnées d’une brève présentation de l’auteur (Nom, Prénom, diplôme/grade universitaire, institution d’affiliation, contacts email/WhatsApp, abstract et quatre mots clés). Elles doivent être envoyées à l’adresse suivante : ateliersmbembe@gmail.com
Coordination générale :
P. Ludovic Lado, Ph.D.
Pour accéder à la bibliographie complète de Achille Mbembe, rendez-vous sur le groupe facebook :
COLLOQUES-ONFERENCES-AFRIQUE (2CA).