Rares sont les pays africains à avoir officiellement pris position sur la guerre en Ukraine, se refugiant dans un silence prudent.
La scène se passe à Genève le 1er mars 2022. Au moment où la Conférence du désarmement diffusait le discours du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, de nombreuses délégations, dont les pays occidentaux, ont quitté ostensiblement la salle en solidarité avec Kiev. Seuls quelques diplomates sont restés. Parmi eux, les délégations algérienne et tunisienne. Officiellement, ces deux pays se sont bien gardés de se prononcer sur le conflit, comme de nombreux pays africains, à l’exception notable de l’Afrique du Sud qui a exhorté la Russie « à retirer immédiatement ses forces d’Ukraine ». Pourtant, Pretoria et Moscou entretiennent des liens diplomatiques qui remontent à l’apartheid. Les deux pays sont membres des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Il est difficile de mettre en avant l’Ukraine et sa situation de guerre dans une Afrique australe très favorable à la Russie, historiquement perçue comme un rempart contre la colonisation et l’apartheid, a expliqué l’ambassadrice d’Ukraine à Pretoria, qui s’emploie à imposer son pays dans le paysage. « L’Ukraine n’existe pas pour les Sud-Africains », explique Liubov Abravitova. « Ils sont reconnaissants à la Russie et oublient que quand l’URSS se mobilisait contre l’apartheid, l’Ukraine en faisait encore partie », fait-elle valoir auprès de l’AFP. Après 1991 et la dissolution de l’Union, « nous étions occupés à bâtir notre pays, notre économie. L’Afrique n’était pas notre priorité et puis les Russes y étaient déjà implantés », dit-elle. L’Ukraine comptait 16 000 étudiants africains, précise-t-elle à l’AFP. A la frontière polonaise, certains « ont été mal traités » dans de longues queues épuisantes, sans eau ni nourriture, dans le froid. Ils ont évoqué du racisme, affirmant que les Ukrainiens étaient mieux reçus qu’eux.
Au premier jour du conflit, l’Union africaine (UA) a condamné l’invasion russe en Ukraine et appelé à un « cessez-le-feu immédiat », estimant que la situation risquait de dégénérer en « un conflit planétaire ». Le président actuel de l’UA, le président sénégalais Macky Sall, et le président de la Commission de l’organisation Moussa Faki Mahamat, ont déclaré dans un communiqué conjoint qu’ils étaient « extrêmement préoccupés » par l’invasion russe. Ils ont appelé Moscou à « respecter le droit international, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de l’Ukraine ». Plusieurs pays africains ont commmencé à rapatrier leurs ressortissants depuis les pays limitrophes de l’Ukraine.
Si Vladmir Poutine est isolé par l’Occident, il est loin de l’être au Sahel. Pour de nombreux pays, il incarne « le libérateur ». Depuis quelques années, la Russie grignote peu à peu le pré carré français. Jusqu’à son éviction du Mali par une junte, qui ne cache pas son admiration pour le président russe. Tout comme à Bangui, où Moscou entend prendre la place de Paris. Le sentiment anti-français au Sahel n’est pas créé par la Russie mais instrumentalisé par Moscou qui s’appuie sur le groupe paramilitaire Wagner pour étendre son influence. Le Mali et la Centrafrique ont confié une partie de leur sécurité à la société dirigée par un oligarque proche de Vladimir Poutine. « La base centrale de Wagner est en Afrique, dans le sud de la Libye, c’est là que transitent tous les avions avant d’être transférés vers la Centrafrique, vers le Mali. Nous avons vu des traces de vols, quatre par semaine, à partir de début janvier, vers la Syrie et ensuite vers l’Ukraine », assure Alexandra Jousset, autrice-réalisatrice du documentaire Wagner, l’armée secrète de Poutine.
D’autres pays jouent aux équilibristes. L’Egypte, qui accueille chaque année des centaines de milliers de Russes et d’Ukrainiens dans ses hôtels sur la mer Rouge, prend en charge le séjour des touristes venus de ces deux pays désormais en guerre jusqu’à un « retour sécurisé ». Sur le plan diplomatique, Le Caire plaide pour « le dialogue et les solutions diplomatiques ». Une prudence partagée par de nombreux pays, comme l’Algérie ou la Tunisie.
Pour le SillonPanafricain
la rédaction
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