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Alternative : la pharmacopée africaine face à la pandémie du Covid-19

Professeur, quelle appréciation faites-vous de l’approche envisagée par la médecine alternative pour faire face à la pandémie du Coronavirus en Afrique ?

Que nommez-vous médecine alternative ? Dans l’optique du « soigner autrement » énoncé dans notre ouvrage « « Nouveaux » thérapeutes au Cameroun » (paru en novembre 2017), nous évoquions déjà la nécessité du retour à l’objectivité. Le contexte actuel laisse transparaître la médecine des hôpitaux comme médecine alternative car seulement 20% se réfèrent prioritairement à son expertise. La pandémie de la Covid 19 s’est avérée intéressante précisément à partir de mars 2020, comme champ des réflexions autour de l’efficacité thérapeutique à l’africaine. Au demeurant, la médecine endogène privilégie le principe du « soigner autrement ». Malheureusement, les thérapeutes locaux continuent d’être sous-évalués, sous-valorisés, sous-exploités malgré l’efficacité avérée à la face du monde entier. Un travail reste à mener pour intéresser à nouveau les Africains à leurs savoirs. En définitive, il s’observe une dualité dans le système de santé. Dans ce contexte, il y a lieu de s’émanciper de l’emprisonnement occidental autour de la thérapie des cures, autour de la centralité de la médecine « moderne » ou de la médecine des médicaments. Ces considérations éloignent de l’objectif premier qui est celui de sauver les vies. En outre, elles conduisent plutôt à réconforter une mortalité à l’international. Se défaire de la médecine de la maladie servirait à se centrer sur la médecine préventive, tout en actionnant aussi sur la médecine de la guérison. Il s’agit de se saisir de la « médecine autrement » pour aborder les affections en amont ou pour actionner sur la santé à tout prix. Il n’est point besoin de définir que l’alternatif est ce qui énonce une réalité différente, pas forcément préférable. Le système de soins moderne contribue par ces conjectures comme une alternative à la médecine locale.

Les discours diffusés par les uns et les autres sur l’efficacité ou l’inefficacité des thérapies africaines au sujet de cette pandémie s’inscrivent dans quelle logique anthropologique ?

L’« hospitalocentrisme » exprime cette longue hégémonie de la médecine occidentale. Les velléités expansionnistes autour du Coronas Virus, au départ explicites, sont heureusement noyées dans les solutions « découvertes » par les continents des Suds. Suivant l’anthropologie objective, la longévité des civilisations africaines plus précisément, s’explique par la mobilisation des astuces vitales efficaces notamment autour du domaine médical. On a ressuscité les cures des « grands-mères », toujours prégnantes, ainsi que les recettes aux protocoles de chloroquine associées à une posologie spécifique, pour exemplifier la faculté de « soigner autrement », à moindre coût, au détriment des coûts exorbitants des entreprises pharmaceutiques. Des deux systèmes de santé présents en Afrique, « moderne » et « traditionnel », il nécessite de comprendre que tous contribuent à donner la vie et à renforcer la santé des individus. Il s’agit donc d’une logique anthropologique de la vie pour la vie à adopter tout au long de la vie.

De la naissance jusqu’à l’adolescence et même au-delà, les humains prennent médicalement soins des membres de la communauté à travers les différentes commensalités. Le genre féminin étant au centre, cette déclinaison du genre dans l’administration des soins fait de la médecine africaine un modèle de gestion ordonnée tenant compte des positions. Par cette médecine, il est important de reconnaître le sens développé dans la connaissance des plantes médicinales. Son mode de transmission embryonnaire parce qu’il est héréditaire est pourtant efficace. Ces acteurs « tradi-praticiens » ou les acteurs de ce « soigner autrement » sont thérapeutes, guérisseurs, praticiens, médecins locaux en mesure, pour nombre d’entre eux, de rendre plus disponibles et plus savants leurs savoirs.

A postériori, cette logique s’inscrit dans le sillage de l’efficacité. Les repères médicinaux endogènes « fonctionnent » au sens anthropologique du terme. Et ces postures sont perçues à travers ce « fait social total », en ce sens qu’il ébranle toutes les ramifications de l’humanité. In fine, il existe une complicité entre les patients et les thérapeutes locaux. Le discours officiel, dominant attend les recours à la médecine des hôpitaux face aux pathologies. L’observation in situ laisse transparaître les recours aux thérapies locales et les secours de cette praxis au détriment de la médecine hospitalière. Il est donc impératif d’engager un véritable dialogue des thérapies.

Les discours diffusés par les uns et les autres sur l’efficacité ou l’inefficacité des Au regard de votre longue expérience de chercheuse et de méthodologue, que conseillez-vous aux populations, aux chercheurs en médecine naturelle ou conventionnelle et aux décideurs dans le cadre de la lutte contre la Covid 19 en Af

La mise en relation des savoirs de divers horizons a pour objectif de créer un modèle hybride, contextuel et à efficacité avérée. La production de ce modèle de soins milite pour la portée réelle du patrimoine médicinal aux fins des expertises thérapeutiques. Curieusement, est oubliée la maxime hypocratique : « Sois ton propre médecin » et son corollaire « Que ton aliment soit ta médecine ». De la même façon que grand-mère administrait ses soins contre la rate, ainsi la petite fille, héritière de la cure, administre à ses patients le lendemain, une thérapie utile et efficace. Prendre en charge sa santé se décline par ce cogito médical que nous avons énoncé sous d’autres cieux : « Je me soigne, donc je suis ». Familles, « grand-mères », cadres communautaires sont interpellés autour de la sociomédecine. Cette forme holiste de soins concerne le préventif et la mise en relation de toutes les composantes de la société pour la santé y compris le curatif. Les médecins locaux sont appelés à cesser de s’auto-marginaliser. Il s’agit de cesser avec la mise-à-la-rue langagière des thérapeutes locaux qui se pratique par tous, en l’occurrence, les autres médecins, les pharmaciens, les autorités administratives, les gens de la rue. Concernant précisément le cas du Cameroun, pour voir la sortie du tunnel de la clandestinité pour ces praticiens locaux, il nécessite une mainmise politique. Et c’est à juste titre que le Chef de l’Etat dans son discours du 19 Mai 2020 a montré la voie en parlant de « traitement endogène ». 

Le financement de la médecine moderne en Afrique est l’œuvre des États et des institutions internationales. On regrette que seuls les hôpitaux dits modernes et autres établissements sanitaires à caractère public soient véritablement financés. Nous militons pour la formation, de nombreux jeunes, pas seulement vers les grandes écoles et les facultés de médecine pour apprendre le savoir thérapeutique occidental. Il est question de s’évertuer à créer des facultés, des écoles, des centres de formation pour pérenniser ces connaissances et laisser transparaître la vision du monde européen tout en piétinant la logique locale. Un plan de formation hybride teinté d’efficience serait alors l’épicentre d’une reconstruction d’un système de santé propre à l’Afrique. Cette combinatoire a permis aujourd’hui à Cuba de venir au secours des pays occidentaux durant cette pandémie. Si les hôpitaux de références sont construits pour les soins modernes, qu’il en soit fait autant pour la médecine locale. Ou encore, les nouveaux modèles de lieux de référencement seront constitués d’experts aux aptitudes multiples. Il ne s’agit pas de médecins généralistes ou de spécialistes de plusieurs sous-champs médicaux. Il revient à cerner comment obtenir des compétences de haut niveau, adaptés aux pathologies contemporaines. Cette posture allopathique interpelle les tenants de la possibilité de considérer la médecine occidentale autrement, plus précisément, comme une médecine alternative.

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