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Crise anglophone : les tournées en rond du pouvoir

Le retour à la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Nord-Ouest dépend d’un dialogue franc. Tous le connaissent mais le pouvoir ne cesse de tourner autour du pot l’éditorial du 08 octobre 2021

Joseph Dion Ngute quémande la paix à Bamenda (6 10 2021)

Le 10 septembre 2019, le président de la république Paul Biya, annonçait un grand dialogue national au Cameroun, au cours duquel les sujets brûlants de l’heure devaient être discutés, le plus urgent étant la crise anglophone. Avec une célérité pas commune dans les habitudes gouvernementales, tout se mit en place en 20 jours et les travaux s’ouvraient le 30 du même mois. 5 jours plus tard, le rapporteur général rendait sa copie devant la plénière présidée par le Premier ministre Joseph Dion Ngute. Quelques points de ce rapport, d’après lequel 600 personnes avaient pris part aux travaux, revenaient sur l’essentiel à retenir des allocutions des 13 orateurs de la cérémonie d’ouverture. A savoir que  nous sommes les filles et fils: ­ d’un territoire dont les frontières ont été établies, non pas par nous, mais par des puissances étrangères dans des traités dont nous n’étions pas parties; ­ d’un territoire qui était divisé en deux zones de tailles inégales, toujours en vertu de traités entre puissances étrangères dont nous n’étions pas parties, d’un territoire sur lequel deux cultures étrangères ont été greffées l’une dans chaque zone, telle que délimitée par des puissances étrangères, sur les cultures locales existantes, chaque culture étrangère se voyant conférer un statut national. Les filles et fils de ces deux parties auraient pu rester définitivement séparés si les populations de l’une des deux parties n’avaient, en février 1961, choisi de forger une nouvelle nation avec l’autre partie. Ce choix de s’unir et de former une nouvelle nation a constitué un moment unique dans notre histoire, moment dont nous devrions particulièrement nous enorgueillir, car contrairement aux autres faits historiques qui ont marqué l’édification de notre nation, celui­-ci n’a pas été décidé par des puissances étrangères, mais par les Camerounais eux-­mêmes. Le rapport précise que « de l’avis général, le règlement de ces questions incombe au premier chef au peuple camerounais, même si l’appui constructif de nos partenaires peut être requis à certains moments. »

Rappel

25 ans avant la tenue du grand dialogue, en 1994, Salomon Tandeng Muna qui avait été vice-président du Cameroun avant que le poste ne soit supprimé, démissionnait du Comité consultatif constitutionnel mis sur pied par le président Paul Biya à la suite de la tripartite, chargé de rédiger la nouvelle Constitution de l’Etat. Sa lettre de démission relevait déjà ces sujets remis sur la table au grand dialogue, avec ses mots à lui. Quelques extraient lisent : « Depuis le jeudi 15 décembre quand cette auguste assemblée a été inaugurée par son excellence le Président de la République, je suis assis, espérant que le rêve que nous anglophones du Cameroun avons eu, se réaliserait de mon vivant. Le rêve d’un Cameroun, une partie parlant français, et l’autre parlant anglais, inspiré par nos liens familiaux et ethniques transfrontaliers, vivront ensemble dans la confiance mutuelle, l’harmonie et la compréhension, sans qu’une partie cherche à dominer l’autre, et jouissant mutuellement des richesses et du développement. C’est ce rêve qui nous a conduits à quitter l’Assemblée du Nigeria Oriental pour rechercher notre propre région autonome, en vue d’une éventuelle réunification (…) C’est ce rêve qui m’a fait battre campagne pour la réunification pendant le plébiscite, en dépit du fait qu’une guerre civile éclatait dans « La République du Cameroun » et la violence politique se propageait. En dépit de toutes ces incertitudes, les Camerounais anglophones du « Southern Cameroons » ont seuls voté pour rejoindre leurs frères de « La République du Cameroun ». Un peuple saurait-il jamais montrer autant de bonne volonté, de confiance, d’assurance et d’amour fraternel !

Tandeng Muna avait prévenu Paul Biya

Trente-quatre ans durant, les Camerounais anglophones ont fait preuve de- la même confiance et de la même assurance, pour voir leur style de vie s’éroder continuellement, leur système du maintien de la loi et de l’ordre changer, leur système juridique changer, leur système administratif changer, leur système de développement changer, leur système éducatif menacé et seulement sauvé par l’Office du GCE, après des années de lutte sous la primature du Président de ce Comité. Aucun de ces changements n’a apporté une satisfaction ni morale ni matérielle. Il y a environ deux ans, les Camerounais anglophones se sont organisés au sein de la All Anglophone Conference, aujourd’hui devenue Southern Cameroon National Council, pour exiger un retour au style de vie qu’ils avaient connu. On les ignora complètement, bien que personne ne puisse contester le fait que leur organisation représente les vœux de la vaste majorité des Camerounais anglophones. Assis ici dans cette assemblée depuis quelques jours, je croyais que je pouvais parler en leur nom. Mais maintenant, je suis convaincu que tout est faussé. Il est dommage que le gouvernement n’ait jamais voulu les écouter(…). »

Référendum

Le point commun entre le contenu du rapport du grand dialogue et la lettre de démission de Tandeng Muna, c’est qu’il y a un fait historique qui est constant, la mise ensemble de deux peuples avec le désir d’unir leur destin, et la nécessité pour ce peuple uni, de décider seul de son sort, en toute liberté. Le rapport du grand dialogue dit que « de l’avis général, le règlement de ces questions incombe au premier chef au peuple camerounais, » Tandeng Munalui conclut « Je lance plutôt un vibrant appel patriotique au président de la République, Son Excellence Paul Biya, “ pour voir le danger qui se profile, pour passer en revue toute cette situation et convoquer une Conférence Constitutionnelle appropriée et démocratiquement constituée, afin qu’un véritable et authentique consensus soit obtenu”. Cette constitution devrait alors être soumise au peuple par voie de référendum. Il est inutile de dire qu’il n’y a pas d’argent pour mener un référendum. Si nous pouvons aller vers le peuple pour collecter des fonds pour le football avec « l’opération coup de cœur », nous pouvons sûrement collecter dix fois cette somme d’argent pour une constitution qui concerne chaque Camerounais. » Demander l’avis des Camerounais à travers un référendum ou à travers un dialogue consultatif, l’idée revient en écho.  La solution au problème anglophone est connue, mais le pouvoir continue de tourner en rond, en multipliant les tournées ministérielles

Roland TSAPI
pour le Sillonpanafricain.net

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