Pour des raisons multiples et variées, ils sont nombreux qui partent vers de nouveaux horizons, s’installent sous d’autres cieux. Ils vivent depuis des années loin du pays, de leurs parents, familles.
L’histoire nous apprend que la diaspora africaine a toujours joué un rôle important dans l’épanouissement d’une nation. Même si la réussite dans les différents pays d’accueil est lente et tardive. Chaque diasporien constitue une ressource pour sa famille, son pays. Comment cette diaspora disséminée partout dans le monde peut-elle contribuer au développement du continent africain ?
D’après la Commission de l’Union africaine, la diaspora africaine désigne « les personnes d’origine africaine vivant hors du continent africain, qui sont désireuses de contribuer à son développement et à la construction de l’Union africaine, quelles que soient leur citoyenneté et leur nationalité ».
Selon les chiffres récents de l’ambassade du Mali en France, la communauté malienne de France est l’une des plus importantes diasporas d’Afrique noire de l’Hexagone. Elle compte selon la même source en 2020, environ 120 000 ressortissants.
L’immense majorité des immigrés d’origine malienne viennent depuis les années 1960 de la région de Kayes, située à l’extrême Sud du Mali. Une région défavorisée et très aride, frontalière avec le Sénégal et la Mauritanie. Les transferts d’argent envoyés par ceux qui ont tenté « l’aventure » de l’émigration n’ont jamais permis de stopper les départs.
A leur arrivée en France, ils vont généralement gonfler la surpopulation des foyers de travailleurs. Dans ces foyers, à chaque étage, chaque chambre, correspond souvent un village d’origine. Dans des pièces rarement plus grandes que 15 m2, il n’est pas rare que se serrent pendant des années jusqu’à six voire dix personnes. Les plus anciens ont le privilège de dormir sur les lits, les derniers arrivés doivent se contenter d’un matelas par terre.
En Belgique, l’on rencontre également plusieurs autres nationalités qui vivent dans les mêmes conditions.
Ces ‘Africains’ de Belgique représentent une catégorie de la population immigrée du pays peu ou mal connue et trop souvent réduite aux seuls Congolais. Il est donc nécessaire de rappeler que si ces ressortissants congolais sont certes majoritaires (du fait des liens coloniaux), ils ne sauraient symboliser à eux seuls la diversité réelle que manifeste la communauté de ressortissants de l’Afrique noire disséminée sur l’ensemble du territoire.
Il y a aussi parmi ces immigrés, ceux qui se démarquent à travers leurs activités, on y retrouve parmi eux des médecins, économistes, ingénieurs, opérateurs économiques etc. installés dans leur pays d’accueil .Qui est cette diaspora entreprenante et comment s’engage t-elle en faveur de son pays d’origine?
Une récente étude de Africa EU Partnership asbl, prouve que l’aide que la diaspora injecte par exemple en Afrique est bien plus élevée que l’aide internationale au développement du continent.
Toujours selon cette organisation de droit belge, de nombreuses familles africaines en difficulté comptent sur la diaspora, qui leur prête main forte quotidiennement et les soulage.
Pour Edmond Konan, ivoirien d’origine et cadre de développement dans une association bruxelloise, la diaspora ivoirienne joue un rôle sur le développement de la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Cela se manifeste à travers la micro-finance ou la création de petites entreprises, l’investissement dans l’immobilier et les réseaux de distribution et transfert de capitaux émis de l’étranger. Les obligations de la diaspora sont un des mécanismes qui permettent aux expatriés d’avoir un impact sur le développement socio-économique du pays..
Pour le Malien , Ahman Souleyman, Employé d’hôtel à Créteil en France,« l’Eldorado » est toujours de l’autre côté de la mer. Les Maliens qui obtiennent les visas d’entrée en Europe ou aux USA, parfois au prix de mille et un sacrifice, sont aujourd’hui disséminés dans le monde entier avec une préférence particulière d’installation en France, pays colonisateur et aux Etats-Unis d’Amérique. Ces Maliens souvent plus nantis que leurs frères vivants en Afrique s’organisent à créer une dynamique nécessaire pour le retour massif de fonds gagnés à la sueur de leur front vers le Mali.
Il suffit de faire un tour au Mali ou au Sénégal ajoute t-il pour découvrir les exemples de réussite dans ces transferts monétaires ou sociaux qui proviennent de la diaspora malienne et sénégalaise. En raison de l’importance de l’aide apportée par les diasporiens très nombreux résidants à l’extérieur du pays et de leur influence sur l’économie, ces deux pays disposent de ministères ayant en charge les nationaux vivants à l’étranger.
Le Mali a crée le ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine en ce sens qu’on estime à quatre (4) millions, le nombre de Maliens établis à l’étranger.
Ces Maliens de l’extérieur sont réunis dans une structure fédérative de toute la diaspora malienne à l’étranger, qui se nomme le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur (HCME) et selon un communiqué officiel de la Banque Africaine de Développement (BAD), les transferts officiels d’argent de la diaspora malienne de France vers leur pays d’origine atteignent 120 milliards de FCFA (183 millions d’euros) par an, comparables au niveau de l’aide au développement ciblant le Mali.
Ainsi, au regard de l’exemple malien, oui, la diaspora africaine peut relever des défis et impacter sur le développement économique du pays.
L’économiste Fredy Ngono de Lausanne en Suisse pense autrement de la diaspora Camerounaise.
Selon lui, « La diaspora camerounaise n’existe que de nom ; aussi, elle n’est capable d’avoir un impact que marginal sur le développement du pays, à court terme.»
Il existe une diaspora camerounaise de forme. Ce Camerounais vivant en Suisse depuis une vingtaine d’années affirme plus loin que les ressortissants camerounais vivants à l’étranger constituent seulement un ensemble de citoyens que l’on pourrait difficilement regrouper sous le label « diaspora, c’est-à-dire, une simple communauté de Camerounais vivant à l’étranger, à savoir un groupe d’individus qui partage une même citoyenneté. Pléthorique et désorientée, elle évolue ajoute t-il, en dehors de tout continuum clairement identifiable, sauf pour constituer des groupes ponctuels de divertissements et de jouissance. Or, pour qu’une communauté soit capable d’influencer l’essor économique d’un pays, elle se doit d’avoir un minimum d’organisation qui tienne compte du type d’influence qu’elle pourrait avoir au niveau local. En clair, elle se doit d’intégrer dans son fonctionnement le concept basique de la solidarité citoyenne. Ce n’est malheureusement pas le cas pour la communauté camerounaise se désole Monsieur Fredy Ngono : le concept même de solidarité est étranger aux Camerounais vivant à l’extérieur du Cameroun, notamment ceux vivant en Europe et en Amérique. Les Camerounais semblent carrément avoir comme motivation « le concept de nuisance à autrui, en lieu et place de celui de solidarité . Et ce fait n’est pas récent. Aussi, pendant de longues années, les Camerounais ont développé une arrogance supérieure et une condescendance vis-à-vis des autres Camerounais, qui les a empêchés de développer le minimum empathique requis pour constituer une communauté organisée ».
Aujourd’hui, les plus récents chiffres de la banque mondiale de 2019 parlent de 21 milliards de franc CFA de transferts d’argent de la diaspora africaine vers le continent. Quelle est la part des Camerounais ? Minime quand comparée aux apports des communautés sénégalaises, maliennes, ghanéennes et autres, qui elles, ayant depuis longuement absorbé le concept de solidarité citoyenne, en ont fait un élan naturel, visible à travers les organisations solides qui régissent leurs différentes activités en terre étrangère, et qui sont capables d’impacter la vie politique, économique de leurs terre d’origine.
Le Rwandais David Gakunzi pense pour sa part que l’apport de la diaspora africaine au développement de l’Afrique est considérable. Les flux financiers des membres de cette diaspora dépassent notablement – dans certains pays – les apports financiers extérieurs tels que l’aide publique au développement, l’investissement direct étranger et dans certains cas les recettes d’exportation.
Le montant des rapatriements de fonds des membres de la diaspora dans un pays comme le Cap Vert – par exemple – est 16 fois supérieur aux recettes d’exportation de l’archipel. Et selon une étude du BIT datant du 13 mars 2020, les transferts de fonds des migrants à destination d’un pays comme le Sénégal représentent plus de 90 % du revenu des ménages auxquels ils sont destinés.
Sans se substituer aux politiques de développement et à la coopération internationale, ces transferts de fonds apportent une contribution non négligeable à la lutte contre la pauvreté. Non seulement parce qu’ils sont affectés à des dépenses primaires (alimentation, logement, vêtements), mais aussi parce qu’ils génèrent à travers des projets de développement locaux et la création d’entreprises, des impacts positifs sur le long terme.
Afin de maximaliser l’impact de ces transferts de fonds, il conviendrait de mettre en place une politique qui pourrait s’articuler autour des points suivants :
Il est temps de passer aux actions concrètes pour tirer le meilleur parti de l’expertise et des richesses de sa diaspora pour espérer sortir du labyrinthe de la néguentropie, du cercle vicieux du sous-développement.
La diaspora africaine d’Europe doit impérativement être au cœur de la perspective du développement des États africains. Cette diaspora manifeste globalement la volonté de participer à ce défi de taille.
Il importe aux dirigeants des pays de les associer dans un environnement sécuritaire et favorable à l’éclosion de la recherche scientifique et technologique.
En France, comme dans plusieurs pays étrangers, la vie des ressortissants de la diaspora africaine est organisée autour de la question du double espace : leur pays d’origine et le pays d’accueil.
La diaspora, dans ce double espace, rencontre souvent des difficultés qu’il veut légitimement porter à la connaissance des institutions et organes gouvernementaux de son pays d’origine.
C’est ainsi qu’elle devra en conséquence s’organiser pour se positionner de façon incontournable comme véritable acteur de développement pour son pays. La Structuration des acteurs de la diaspora (associations, organisations et groupements professionnels) et leur représentation dans les institutions est nécessaire et est la meilleure approche pour recenser, inventorier des ressources et compétences utiles pour elle et pour le pays. Le Sénégal l’a compris récemment.
Les Sénégalais qui vivent en dehors de leurs pays seront représentés pour la première fois lors des prochaines législatives par 15 représentants dans 8 nouveaux départements électoraux.
Dans le document de «Politique nationale de migration du Mali» adopté par le gouvernement malien en septembre 2014, le ministre des Maliens de l’Extérieur, Dr Abdramane Sylla évoquait à l’époque :«une diaspora bien structurée et fortement engagée» et surtout «des apports multiformes se traduisant par des transferts techniques et financiers importants qui contribuent à l’entretien des ménages et des familles, à la réalisation de nombreuses infrastructures de base dont la construction d’écoles, des centres de santé , des châteaux d’eau et adduction, de projets productifs, l’envoi des fonds estimés à 431milliards Fcfa ,soit 11 % du PIB». Les autorités maliennes ont depuis lors compris que la migration ne doit nullement être perçue comme une menace, mais plutôt une opportunité, un facteur de croissance . Cette façon de voir est basée sur les actions multiples de la diaspora. Des actions qui participent à la lutte contre la pauvreté et offrent des opportunités d’emploi en tant qu’alternative à l’absorption du chômage. Les autorités maliennes entendent favoriser davantage une plus grande mobilisation et une contribution soutenue de la diaspora malienne au développement de leur pays.
Au Cameroun, la diaspora est diversement appréciée par les autorités locales. En dehors de l’apport de cette diaspora pour la lutte contre la pauvreté que les autorités locales ne nient pas, la diaspora réclame depuis lors la double nationalité. Réclamation qui est restée lettre morte.
Pour reprendre, Stephen Kingah de l’université des Nations Unies, CRIS en Belgique , avoir une diaspora forte et engagée est central. Avoir une diaspora distante et désengagée est une recette pour la stagnation. Le code de la nationalité camerounaise a été adopté en 1968 à un moment où l’interdépendance mondiale à l’ère de l’Internet était inexistante. Depuis lors, le monde a changé. Il est temps pour le législateur et le Président camerounais de se mettre au diapason de l’évolution de notre société.
Hugues Bertin SEUMO
pour le Sillonpanafricain.net
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