Après la dégringolade en mars 2022 jusqu’à 144 roubles pour un euro, suite à la confiscation (300 milliards de dollars) par les gangsters occidentaux des avoirs de la Banque centrale de Russie, le rouble a retrouvé en avril un cours très élevé d’environ 75 roubles pour un euro. Les raisons principales sont l’augmentation des prix du gaz et du pétrole et la diminution des importations, suite aux sanctions occidentales, et l’augmentation passagère des taux d’intérêt jusqu’à 20% par la banque centrale russe, afin de freiner la sortie des capitaux.
Un autre élément déterminant a été la décision de Poutine d’imposer le paiement en roubles aux acheteurs de gaz car les paiements en euros et en dollars dans les banques occidentales pouvaient être de nouveau confisqués.Les Occidentaux paient donc en dollars ou en euros à Gazprombank qui se charge de convertir ces sommes en roubles sur des comptes spécialement ouverts en roubles par les acheteurs occidentaux, afin de pouvoir régler Gazprom en roubles en Russie, d’où des pressions à la hausse du rouble sur le marché des changes et l’attaque manquée des Occidentaux pour le faire dévisser et déclencher une très forte inflation en Russie pour les consommateurs russes, suite à ’augmentation des produits importés.
La Pologne et la Bulgarie n’ayant pas voulu ouvrir un second compte en roubles chez Gazprombank, les livraisons de gaz ont été purement et simplement arrêtées par la Russie. L’UE importe environ 150 milliards de M3 de gaz par an de Russie qu’il est impossible de remplacer du jour au lendemain (trouver des nouveaux fournisseurs au Moyen-Orient et aux États-Unis, transporter le gaz avec de nouveaux méthaniers à construire qui pollueront les mers et nécessité de construire dans les ports européens des usines pour la regazéification du gaz liquéfié, ce dernier étant vendu plus cher que le gaz russe transporté écologiquement dans des gazoducs.
Mais l’Amérique et les Européens, en confisquant les avoirs de la banque centrale russe, ont commis une bourde monumentale : la preuve était faite que le dollar et l’euro n’étaient plus, par définition, des monnaies de réserve telles que l’or détenu physiquement par un Etat, puisqu’ elles pouvaient être volées. La dépendance monétaire des détenteurs de dollars et d’euros a été démontrée à la face du monde.
Le monopole du dollar, depuis son inconvertibilité en or décrétée par Nixon en 1971, ne reposait plus que sur la confiance qui vient d’être brisée et sur la puissance militaire des États-Unis qui a été contestée en Irak, Afghanistan, Syrie et Lybie. De plus, l’Amérique dispose de seulement 8135 tonnes d’or alors que la Chine en disposerait officieusement de 23 000 tonnes ! Les 950 milliards de billets verts détenus à l’étranger et les 7000 milliards de bons du trésor américain achetés par les banques centrales étrangères pour placer leurs réserves en dollars et financer les déficits budgétaires américains abyssaux, deviennent des placements de plus en plus risqués, d’autant plus que la dette publique des États-Unis vient d’atteindre le chiffre monstrueux de 30.000 milliards de dollars.
Si les taux d’intérêt montent trop, les États-Unis, tout comme la France, seront en faillite et ce sera la chute du dollar, le krach du siècle des siècles à Wall Street. Avec des taux actuels peu élevés, les États-Unis doivent déjà payer 600 milliards de dollars en intérêts, soit deux fois le budget de l’Etat français, pour leur dette. « Le privilège exorbitant du dollar », déjà dénoncé par le général de Gaulle, Jacques Rueff et Valéry Giscard d’Estaing en 1964, qui permet aux États-Unis d’émettre à volonté leur monnaie pour se financer gratuitement avec les billets émis ou à bon compte avec les bons du Trésor américain achetés par les détenteurs étrangers de dollars, n’a que trop duré.
Pour parachever le tout, le déficit commercial abyssal des États-Unis s’est élevé à 859,1 milliards de dollars en 2021 et le PIB des États-Unis qui représentait 45% du PIB mondial en 1944, lors de la conférence monétaire internationale de Bretton Woods, ne représente plus aujourd’hui que 22% du PIB mondial.
La Chine, avec le taux de parité de pouvoir d’achat, est déjà la première puissance économique et industrielle du monde ; elle attend son heure sur le plan militaire, financier et monétaire. Pour l’instant, « l’usine du monde » accumule des dollars sans les revendre contre des yuans, car elle préfère exporter ses produits manufacturés avec un taux de change bas. Ses réserves en dollars fin 2021 s’élevaient à 3200 milliards de dollars dont 1100 investis dans des bons du Trésor américain. Actuellement le yuan chinois n’est pas convertible en devises étrangères, mais la Chine cherche d’ores et déjà à développer un réseau de paiements transfrontières en monnaies numériques de banques centrales. Une expérimentation est en cours avec Hong Kong, la Thaïlande, les Émirats arabes unis et 15 banques privées dont Goldman Sachs et la Société Générale. L’e-yuan pourrait donc faciliter l’internationalisation de la monnaie chinoise qui est très faible actuellement. De plus, la Chine met en place le système de transferts interbancaire Cips, concurrent direct du réseau Swift occidental, qui va servir de roue de secours à toutes les grandes banques russes exclues du système Swift.
La position de la Russie alliée à la Chine, contrairement à celle des États-Unis, est d’autant plus confortable que l’Inde, en raison de ses intérêts économiques (importation de 85% de son pétrole à bon compte en provenance de Russie) et militaires (achat d’armement russe) se refuse à condamner la Russie et a augmenté, bien au contraire, ses achats de pétrole payés en roubles. L’Iran vient aussi de décider que la Chine pourra payer le pétrole et le gaz iranien en yuans et non plus en dollars. Quant à l’Arabie Saoudite, elle est hésitante, mais a refusé aux États-Unis d’augmenter ses livraisons de pétrole pour faire baisser les cours mondiaux ; elle pourrait même décider prochainement de vendre son pétrole à la Chine non plus en dollars, mais en yuans convertibles en or.
La Russie confirme donc en fait son intention de mettre en place un nouveau système monétaire visant à adosser le rouble à l’or physique détenu en Russie et à ses matières premières payables en roubles. Ce Système est en dehors de l’orbite du dollar américain et du système occidental de transferts Swift. Les nombreuses ouvertures de marchés commerciaux qui s’offrent à la Russie en Chine, en Asie Centrale, en Asie, aux Indes, en Afrique et en Amérique (Brésil et Venezuela) font que le système est viable. Ces nouveaux débouchés font plus que compenser les embargos suicidaires européens qui contribuent à appauvrir les classes laborieuses européennes avec des taux d’inflation en augmentation rapide. En fait, un nouveau système monétaire international excluant le dollar et l’euro est en train d’apparaitre, basé sur l’or et les matières premières. La Russie est le courageux pionnier qui montre l’exemple ; la Chine se chargera, le moment venu, de mettre le point final à l’hégémonie du dollar.
Nous croyons pour notre part, à terme, à une réévaluation de l’or pour créer des liquidités mondiales supplémentaires, avec par exemple trois grandes monnaies de réserve telles que le yuan, l’euro et le dollar qui devraient alors être convertibles en or.
La crise en Ukraine et la réponse courageuse, innovante de la Russie à l’agression non seulement militaire, par l’Ukraine interposée, mais aussi économique, monétaire et financière de l’OTAN, des États-Unis et de l’Occident, pourrait bien être le déclencheur d’évènements successifs qui conduiront à la fin inéluctable de l’hégémonie du dollar.
Par Marc Rousset
via le SillonPanafricain
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