La mobilisation politique et les coups d’États militaires dans la région du Sahel ces dernières années n’ont pas seulement perturbé l’ordre politique et social post-colonial. Ils ont également ouvert les portes d’une nouvelle ère en Afrique.
Au regard des objectifs de cet organisme sous-régional, nous essaierons dans les lignes qui suivent de comprendre pourquoi dans tout le continent Africain un seul discours persiste : nous voulons une CEDEAO à l’écoute des peuples et non une CEDEAO aux ordres. Aux ordres de qui ?
Selon ses propres textes fondateurs, la Communauté vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest en vue d’élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et d’accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les États membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain.
L’adoption d’une politique communautaire en faveur des populations qui prend en compte la nécessité d’établir un équilibre entre les facteurs démographiques et le développement socioéconomique, la création d’un fonds de coopération, de compensation et de développement, toutes autres activités que les États membres peuvent décider d’entreprendre conjointement à tout moment en vue d’atteindre les objectifs de la Communauté. Tout ce qui précède inscrit donc cet organisme essentiellement dans une démarche de recherche de solutions devant assurer le bien-être économique et social aux populations de l’aire géographique qu’elle couvre. Rien donc à voir avec une intervention militaire dans un pays membre. Mais d’où vient-il donc que contrairement à ce qui est pourtant prévu dans les textes, en ce moment dans la région, il ne soit plus question que de bruit de bottes ?
La réponse à cette question se trouve dans l’analyse politique des évènements majeurs survenus en Afrique de l’Ouest au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et récemment au Niger. Quatre pays où les militaires sous notamment la pression des organisations de la société civile, ont fait une entrée fracassante dans le landerneau politique.
Une irruption notamment nourri par le sentiment anti-français en cours dans l’ensemble du Sahel. Un sentiment qui a été fréquemment mis en évidence ces dernières années et qui se trouve être l’un des éléments de légitimation de la recherche de l’ordre dans la région. Le fait que cette question ait été présentée comme le principal déterminant des coups d’État militaires au Mali en août 2020 et mai 2021, en Guinée en septembre 2021, au Burkina Faso en janvier et septembre 2022, et plus récemment au Niger en juillet 2023, est en grande partie le produit de la recherche de légitimité des chefs de coup d’État et de leurs efforts pour se positionner politiquement. Bien qu’il varie en taille et en intensité d’un pays à l’autre, le sentiment anti-français est l’un des points communs les plus fondamentaux de tous les segments sociaux de la région en raison de son passé colonial. Les efforts des putschistes pour se légitimer à travers ce discours sont une manifestation naturelle de la perception par le public des putschistes comme étant au moins parmi les leurs.
La principale crise dans la région du Sahel est l’échec de l’établissement d’un nouvel ordre. Et il se trouve, que ni la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’est capable sur les bases qui prévalaient jusqu’ici, ni les puissances internationales qui tentent d’y exercer une influence, ne sont plus capable d’établir cet ordre. Dans ce climat, la France et parfois les États-Unis sont tenus pour responsables du désordre, tandis que la Russie tente de se tailler de petits espaces dans le vide qui prévaut. Et que les pays dominants de la région, le Nigeria et l’Algérie, hantés par les conséquences chaotiques de l’effondrement de la Lybie de Mouammar Kadhafi, se maintiennent dans une position défensive, car ils ont le réflexe de se protéger du désordre régional.
Dans ce climat délétère, l’on est en droit de se poser trois questions en examinant le récent coup d’État militaire au Niger sous cet angle : premièrement, quelles sont les propositions des pays de la Cedeao en matière d’ordre régional ? Deuxièmement même si la Cedeao, dirigée par le Nigeria, intervient militairement au Niger et libère le président déchu Mohammed Bazoum, comment son pouvoir peut-il être maintenu ? Et troisièmement, combien de temps un dirigeant critiqué par la société civile, les politiciens et les militaires peut-il survivre avec un soutien militaire extérieur ? Les réponses à ces questions sont claires d’un point de vue macro-organisationnel, mais extrêmement limitées en terme d’impact durable.
C’est conformément à l’article 25 du chapitre 5 du protocole additionnel relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité du 10 décembre 1999, signé à Lomé au Togo, que les Chefs d’Etats ont décidé d’activer la force en attente pour restaurer le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
Comme le précise le juriste sénégalais, Abdoulaye Dieye, professeur de droit à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar sur les antennes de DW : « C’est ce protocole qui prévoit qu’en cas de changement anticonstitutionnel, qu’il y ait quand même la possibilité d’intervenir pour rétablir l’ordre constitutionnel ».
Le protocole mis en œuvre sur décision de la Conférence, du Conseil de médiation et de sécurité, à la demande d’un Etat membre, à l’initiative du secrétaire exécutif ou encore à la demande de l’Union africaine ou des Nations unies. Et pour se faire, le président du Conseil de médiation de la Cedeao doit adresser à l’Union africaine et aux Nations unies, un rapport sur la situation avant tout déclanchement.
Déjà, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exprimé le 11 août dernier dans un communiqué son ferme soutien aux décisions de la Cedeao et a demandé à la Communauté internationale d’unir tous ses efforts pour sauver la vie et l’intégrité morale et physique du président Mohamed Bazoum et de sa famille.
Mais pour mobiliser autour d’une quelconque intervention militaire au Niger, il serait préférable pour l’organisation sous-régionale d’avoir le soutien du Conseil de sécurité des Nations unies, selon le spécialiste du droit.
La France a de son côté apporté, « son plein soutien à l’ensemble des conclusions » de la Cedeao et réitéré « sa ferme condamnation de la tentative de putsch en cours au Niger, ainsi que de la séquestration du Président Mohamed Bazoum et de sa famille ».
L’Hexagone, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, ont annoncé la suspension de leur aide au développement et de leur coopération directe avec le Niger. Les programmes de la Radio France Internationale (Rfi) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont notamment été interrompus au Niger.
La France est la cible principale des putschistes. Les nouveaux maîtres de Niamey considèrent la Cedeao comme une organisation à « la solde » de la France, ancienne puissance coloniale. Le Cnsp a accusé la France d’avoir violé l’espace aérienne nigérienne fermé depuis dimanche, avec un avion de l’armée française venu du Tchad, et d’avoir « libéré des terroristes », ce qui constitue selon les putschistes « un véritable plan de déstabilisation de notre pays ». Ces accusations ont été aussitôt démenties par la France.
Les putschistes au Niger ont également dénoncé plusieurs accords militaires conclus avec la France, qui concernent notamment le « stationnement » du détachement français et le « statut » des militaires présents dans le cadre de la lutte anti djihadiste. La France compte 1.500 soldats déployés pour la lutte anti djihadiste.
Emmanuel Macron a présidé le 28 Juillet 2023, un Conseil de défense et de sécurité nationale consacré au Niger, après le putsch qui a vu le chef de la garde présidentielle prendre le pouvoir. Le ministère des Affaires étrangères français a pour sa part, affirmé que la France, « ne reconnaît pas les autorités issues du putsch mené par le général Abdourahamane Tchiani ».
Au tableau des réalisations de la Cedeao dans cette période critique, il reste toutefois les avancées au Mali. La pression des chefs d’Etat sur les militaires a donné des résultats positifs en les poussant à partager le pouvoir.
Mais certains analystes expliquent la ligne dure de la Cedeao par la crainte que les coups d’Etat en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et au Niger puissent inspirer les pays voisins, renforçant ainsi le sentiment que comme l’Union africaine, la Cedeao est un syndicat de dirigeants.
La rédaction
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