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Panafricanisme: les défis du moment

Grâce aux réseaux sociaux et à l’instantanéité de l’information et du débat contradictoire, les Africains et afro-descendants d’hier, d’aujourd’hui et de demain, tentent de se réorganiser en empruntant, non sans remises en cause profondes, les trajectoires sinueuses du rêve panafricain et panafricaniste. Panafricain, à cause du projet qui doit couvrir toute l’espace continentale, et panafricaniste, parce la solidarité et la coopération entre les peuples africains, non seulement doit politiquement se structurer, mais, elles devraient aussi promouvoir et assurer la sécurité et la paix sur le continent, et lutter pour mettre fin à l’oppression et à l’exploitation des peuples africains. Un mantra dont la nécessité est actuellement démontrée face aux épreuves, par les juntes patriotiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Il n’y a donc pas de communauté africaine transnationale sans une organisation de l’interdépendance africaine aux plans politique, économique, social, environnemental, et culturel. C’est donc de cette interdépendance fondée sur des relations pacifiées, d’une gouvernance de la compréhension mutuelle, de la compensation universelle, toutes découlant des principes d’unité des sociétés des Peuples premiers, que pourra émerger un panafricanisme innovant, porteur de possibilités d’intégration d’autres sociétés adhérant à ces principes d’autodétermination, d’auto-défense et de non-violence.

Malheureusement, jusqu’à présent, le passage par la case « interdépendance » a systématiquement été oublié. La négligence de ce paramètre explique grandement l’actualité de la situation sur le terrain de l’organisation africaine prônant l’union, puis l’unité tout en faisant dépendre leur budget, à plus de 80 %, d’entités étrangères à l’Afrique et à ses valeurs, et ayant des intérêts contraires à ceux des Peuples africains et d’ascendance africaine. Si l’interdépendance doit se décliner aux plans politique, économique, social, environnemental, et culturel, cette notion ne pourra pas objectivement continuer à faire abstraction de la sécurité militaire des Etats et de la solidarité entre les peuples.

Les grands défis qui attendent les panafricanistes sont d’abord d’ordre sécuritaire, et viendront ensuite l’organisation de la structuration et de l’administration de la cité et de la production.

Un défi sécuritaire qui conditionne tout le reste

On ne peut pas être souverain avec la présence d’armées étrangères sur le territoire national. Au regard de ce qui se passe en Afrique de l’Ouest par exemple, le départ des forces armées françaises s’accompagne d’une volonté des forces tapies dans l’ombre des terroristes pour quelques-uns, de s’accaparer des territoires libérés. Que ce soit au Mali, au Niger ou au Burkina Faso, ce défi sécuritaire peut obérer la volonté des différents gouvernements à prendre réellement en main, les nombreux problèmes qui minent la vie des concitoyens au quotidien notamment l’approvisionnement en énergies hydrauliques et électriques, la conception et le déploiement d’une véritable politique de santé, le chômage des jeunes, etc…

Se débarrasser des constitutions imposées

Le monde multipolaire en émergence devrait bénéficier aux Africains et afro-descendants. Encore faut-il pouvoir organiser le panafricanisme sur des bases stratégiques et opérationnelles en tenant compte des rapports de force en présence, et éviter naïvement de se concentrer uniquement sur le narratif panafricaniste et les lamentations sans actions. Les peuples feront sauter la fameuse « prime à la stabilité des autocraties » par le télescopage de la « prime à la démocratie, fondée sur la vérité des urnes » en Afrique, de plus en plus réclamée par les Peuples africains. En filigrane, il est question de refonder un nouveau système socio-politique africain qui devra reposer et non pas s’en éloigner, sur les valeurs des Pharaon Noirs de l’Egypte ancestrale fondées sur la Maât : vérité, justice, solidarité et harmonie.

Le processus devant conduire à l’avènement du panafricanisme consiste d’abord à retrouver l’indépendance individuelle et collective, l’autonomie, la souveraineté, la liberté, le pouvoir et le droit de choisir sa destinée en se réappropriant la trajectoire historique et du bonheur rappelés par les ancêtres divinisés et le Dieu primordial des peuples premiers. En effet, nul ne peut mieux comprendre les problèmes des Africains et de sa Diaspora que les Noirs et les Africains et ascendants africains, métis et mulâtres y compris. La gouvernance postcoloniale fondée sur le paternalisme, la spoliation et la condescendance ne perdure que parce qu’il existe encore trop de dirigeants africains, publics comme privés, aculturés et adeptes de cercles ésotériques dominés par le monde occidental blanc, qui officient et orchestrent en Afrique et partout où les missions leurs sont confiées, d’exclure ou de ridiculiser toutes les Africaines et tous les Africains conscients y compris dans la Diaspora, des enjeux mondiaux et plus particulièrement des enjeux d’inversion des rapports de force que sous-tend le mouvement panafricain et panafricaniste.

Aujourd’hui, le colonialiste moderne a compris que pour maintenir sa suprématie, il doit faire pénétrer en Afrique le cheval de Troie des ONG apatrides « thalas-socratiques » suivant un agenda ultra-globaliste, afin de les introduire dans les sociétés africaines ultra-millénaires enracinés dans la Tradition primordiale. Ceci pour entre autres choses, coopter la société civile autochtone enracinée et la convaincre que la modernité occidentale (qui n’est rien d’autre que l’illustration d’un concept métaphysique hindou développé par René Guénon, concept connu sous le nom de « kali yuga  », c’est-à-dire l’obscure époque, du désordre, du matérialisme, de l’individualisme, est l’avenir et l’horizon indépassable.  Et ceci à une époque où justement et notamment, le chef spirituel du Congo, Simon Kimbangu en 1921, préconisait tout le contraire dans ses prophéties. Il fallait absolument démontrer que tout ce qui vise les valeurs traditionnelles était à jeter aux orties, à vaincre ou à diaboliser. Bref, il fallait faire table rase du passé et faire admettre par tous les moyens que l’Eldorado, c’est l’Occident.

Repenser la production

L’Afrique est un continent polycentrique et hétérogène, caractérisé par de multiples réalités, cultures et coutumes. On pourrait dire que c’est un espace à part entière qui constitue sa singularité. Ces différences n’ont pas toujours été synonymes de division sur le continent. Bien au contraire, le désir d’unité africaine dans la diversité a été un concept « endogénisé » et valorisé au sein des cultures africaines, comme Cheikh Anta Diop nous le démontre dans ses ouvrages. Un désir qui a conduit à un idéal supérieur qu’on appelle le Panafricanisme.

Il est donc bien question de ne pas laisser le « panafricanisme » évoluer sur la base uniquement des frustrations du passé fondées sur les violations des droits humains par les peuples envahisseurs et génocidaires.

Mais il n’est pas question non plus de ne pas faire preuve de sagesse en évitant les insultes et invectives inutiles dans les constats quotidiens et les planifications stratégiques de neutralisation du panafricanisme intelligent. Aussi, la régénération du panafricanisme ne pourra pas faire l’économie d’une refondation de la culture afrocentrée de l’interdépendance et ses déclinaisons politiques, économiques, sociales, environnementales, culturelles et cultuelles. Rappelons que le message de Kwame Nkrumah sur l’unité de l’Afrique daté du 24 mai 1963 reste d’actualité : « J’ai souvent été accusé de mener une « politique de l’impossible ». Mais je ne peux pas croire à l’impossibilité de réaliser l’Union africaine… L’Afrique doit s’unir. Nous avons devant nous non seulement une opportunité mais un devoir historique ».

Malheureusement, l’Union africaine (UA) des chefs d’Etat, créée en 2002, n’est pas l’Union africaine fédérale et panafricaine au service des Peuples africains comme le souhaitait Kwame Nkrumah. Cette institution continentale se présente aujourd’hui plutôt comme un instrument d’asservissement et de domination des Peuples africains par leurs propres dirigeants, qui sont pour une grande partie, sournoisement manipulés et télécommandés par des pays étrangers qui n’ont pas encore intégrés les lois d’un monde multipolaire.

Un embryon d’organisation se dessine au sein des pays de la Charte du Liptako-Gourma avec cette volonté d’indépendance énergétique par une coopération bilatérale avec la Russie qui leur permette l’installation de centrales nucléaires.

Et le rôle de la monnaie dans tout cela ?

Le franc CFA est une monnaie du patrimoine colonial français, imprimée par la Banque française et affiliée à l’euro, qui paralyse l’économie africaine locale et prive quatorze nations africaines de leur droit inaliénable à la souveraineté monétaire. Le franc CFA représente l’un des derniers vestiges du néocolonialisme français, du néolibéralisme et représente le symbole d’une finance apatride qui par son imposition en 1945 a détruit le sort économique (mais aussi politique) de la-dite « zone franc » de l’Afrique.

Au 21ème siècle, normalement, chaque peuple a le droit de posséder sa propre monnaie, et de décider de son propre avenir politique et économique. Mais aucun avenir ne peut se décider sans la maitrise de son économie. Nous avons des forces exogènes, en l’occurrence la Banque de France, qui a le droit de dire si oui ou non elle est d’accord avec les décisions que nous prenons. Cela montre que nous avons une monnaie qui est caduque, qui est une monnaie de servitude, d’esclavagisme, et de soumission. Le symbole recherché en brûlant ce billet, même si nous ne sommes pas riches, mieux vaut vivre la liberté dans l’incertitude que l’esclavage dans l’allégresse et l’opulence.

Il y a de l’espoir pour la cause panafricaniste, sur le plan sociale et populaire. Parce qu’il y a une conscience générationnelle jamais vue auparavant. La volonté d’unité, la critique des bases militaires occidentales et des multinationales étrangères sur le sol africain, la volonté de souveraineté, mais surtout, la critique de la mal-gouvernance interne. Tous ces facteurs, doivent nous pousser à penser positivement. La nouvelle génération africaine et afro-descendante est debout. Le résultat sera visible dans quelques années.

En attendant que des vastes espaces économiques à potentiels réels se mettent en place et au regard de la nocivité du franc CFA sur les économies africaines il est urgent de repenser un autre modèle de financement de nos économies. Même un retour au système étalon-or serait bénéfique pour l’Afrique.

La rédaction.

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