Décidément le feuilleton entre le Mali et la France est bien loin de son dénouement. Alors que pour beaucoup d’Africains le départ des soldats français du Mali permettait à ce pays d’Afrique de l’ouest de tourner une page difficile de son histoire pour en écrire d’autres, c’était sans compter avec la France pour qui rien n’était encore joué totalement… Tel un soupirant éconduit qui refuse obstinément de reconnaître à l’élu de son coeur les mêmes droits que les siens, elle semble avoir opté pour la politique du pire et de la terre brûlée puisque désormais, l’on en est venu à parler de la partition du Mali. Manifestement, contre mauvaise fortune, l’impérialisme capitaliste français fait mauvais cœur et choisit plutôt la politique du pire et du démembrement, faisant ainsi paradoxalement fi de tous les principes et des valeurs de liberté, et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dont elle se présente pourtant historiquement comme le parangon. Une option désormais en cours de téléchargement comme l’indique la surprenante déclaration devant le Sénat le 11 octobre 2023, du Ministre français des Armées, M. Sébastien Lecornu, prestant devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : « Il pourrait y avoir une partition du Mali dans les semaines ou les mois qui viennent ». Tiens donc ! L’usage du conditionnel ici est une précaution qui dissimule à peine désormais mal les véritables intentions cachées de l’impérialisme capitaliste français qui n’entend pour rien au monde renoncer complètement aux bénéfices qu’elle tirait du Mali dont ni l’unité, ni l’avenir n’a en réalité aucun intérêt. Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Désormais donc, l’on ne s’embarrasse plus de jouer les oiseaux de mauvais augure, on annonce sans ambages « une résurgence massive du risque terroriste au Sahel ». La question qui se pose désormais pour ceux qui n’ont toujours pas compris ce qui est la véritable raison des rapports qu’il y a entre l’Afrique francophone et l’impérialisme capitaliste français, est de savoir pourquoi s’acharne-t-on tant sur le Mali. Est-ce simplement parce qu’il a décidé de mettre réellement un terme à la servitude qui était jusqu’à présent la réalité, où est-ce parce que comme tous les autres pays du pré-carré, son émancipation serait un rude coup porté à ceux qui profitent de l’exploitation de ses richesses ?
Le sort du Mali ne se détermine pas à Paris
A Bamako on en a clairement conscience non seulement des mutations qui ont lieu dans le monde et des enjeux, mais aussi de ce qui se trame pour se mettre en travers de leur chemin. C’est pour le faire savoir que le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement malien s’est fendu d’un communiqué suivant en réponse aux propos du ministre français des Armées. « Le Gouvernement de la Transition a appris, avec une profonde stupéfaction, des propos subversifs, irresponsables et biscornus contre le Mali, tenus en France par monsieur Sébastien Lecornu, ministre des Armées de la République française, devant des Sénateurs, le 11 octobre 2023 », a d’abord campé le Colonel Abdoulaye Maïga, avant d’embrayer ensuite sur le ton de l’indignation : « Le gouvernement de la Transition a constaté que lesdits propos diffamatoires et attentatoires à la souveraineté, à l’unité ainsi qu’à l’intégrité territoriale du Mali de l’intéressé n’ont pas fait l’objet de réaction de la part des Autorités françaises. Eu égard à cette complicité passive de la junte française, le gouvernement de la Transition condamne les propos de monsieur Lecornu ».
Et la junte souverainiste panafricaniste de rappeler « aux autorités françaises que le Mali n’est plus leur colonie, depuis le 22 septembre 1960 et que le sort du pays de Soundiata Keita, de Samory Touré et plus près de nous, de Modibo Keita, ne se détermine pas à Paris, tout en priant ardemment que ses prédictions se retournent contre lui-même et son pays ». Bamako dit « informer l’opinion que les propos de Monsieur Lecornu sont d’autant plus graves, qu’ils donnent en réalité un aperçu d’un plan diabolique et désespéré de déstabilisation portant atteinte à l’intégrité territoriale du Mali ».
Pour rappel, les derniers soldats français encore présents au Mali ont quitté définitivement le pays, lundi 15 août 2023, après le transfert aux forces maliennes de la base de Gao, dans le nord du pays.
Et depuis le départ des soldats français, l’armée malienne est sur le pied de guerre à Kidal. Et mieux encore, selon une dépêche récente, « Les forces armées de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) viennent d’anéantir plusieurs bases dans la zone des trois frontières. On aurait appris que les terroristes ont été renvoyés dans l’enfer par la force de frappe aérienne dont est désormais dotée l’armée malienne. Pour la première fois, les terroristes réclamant la prison à la place du feu. Malheureusement, la récréation prisonnière est terminée place à la neutralisation ». Une évolution que le journal « Le monde » du 02 octobre confirme avec ce titre : « Un important convoi de l’armée malienne s’est mis en mouvement, lundi 2 octobre à Gao, en direction de la région stratégique de Kidal (nord), bastion de la rébellion touareg ».
C’est dire qu’en réalité le plus dur est sans doute à venir….
A leur corps défendant les Etats africains qui se libèrent devront faire face à une insécurité imposée. L’insécurité tout comme les bases militaires fait partie des instruments qui permettent à la Françafrique d’avoir une mainmise sur les ressources des Etats africains. Une partie du Mali, la région de Kidal par exemple était interdite d’accès à l’armée malienne…
Et c’est d’ailleurs cet incident qui va révolter le Colonel Assimi Goïta, l’actuel président de la transition au Mali. C’est user d’une litote que de dire que curieusement, en Afrique, toutes les parcelles de territoire à sous-sol riches sont sujettes à une instabilité qui manifestement empêche toute exploitation. C’est dans ce contexte de chaos et pour cet objectif que les autorités maliennes accusent la France, ancienne puissance coloniale, d’avoir sciemment instrumentalisé la Cédéao.
Le but est « de nous présenter comme un paria, avec l’objectif inavoué et inavouable à court terme d’asphyxier l’économie afin d’aboutir pour le compte de qui l’on sait et par procuration à la déstabilisation et au renversement des institutions de la transition. Les dirigeants français « n’ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu’ils allaient diviser le Mali », a-t-il dit. « On ne peut pas nous vassaliser, on ne peut pas transformer le pays en esclave, ça, c’est terminé », a-t-il poursuivi, en référence à la colonisation. Le Colonel Abdoulaye Maïga s’est aussi attaqué à Takuba, un groupement européen de forces spéciales créé par la France et destiné à accompagner les soldats maliens au combat contre les djihadistes. Takuba, « c’est pour diviser le Mali. C’est “le sabre”, en [langues] songhaï et tamacheq, ça n’est pas un nom qui a été pris par hasard », a-t-il avoué. En plus de reclamer le retour des civils au pouvoir, la France et ses partenaires européens et américains reprochent à la junte souverainiste panafricaniste d’avoir fait appel au sulfureux groupe russe de mercenaires Wagner, ce qu’elle conteste.
Et pour ce faire, devant les diplomates, au premier rang desquels l’ambassadeur russe Igor Gromyko, M. Maïga a assimilé les soldats de la Légion étrangère, corps de l’armée française, à des mercenaires. Il a évoqué le rappel, en février 2020 avant la prise du pouvoir par les colonels maliens, de l’ambassadeur malien à Paris, Toumani Djimé Diallo. Celui-ci avait provoqué la colère des autorités françaises en accusant des soldats français de « débordements » dans les quartiers chauds de Bamako. Les autorités maliennes avaient rappelé le diplomate à la demande de la France « sur la base de simples déclarations (…) sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j’allais dire mercenaires », a déclaré M. Abdoulaye Maïga.
C’est la faute aux richesses du sol et sous-sols africains
Pour noyer son chien, on l’accuse de rage. Tout semble indiquer que cette maxime est à l’œuvre au Mali. L’impérialisme capitaliste français ne pardonne pas à ce pays de vouloir s’émanciper au sens fort et noble de ce terme. Il ne pardonne pas à l’armée malienne de vouloir jouer le rôle historique que l’armée turque sous le commandement de Mustafa Kemal a joué en Turquie à la chute de l’Empire Ottoman, de 1925 à 1935, et ensuite sans le « Gazi » qui avait tiré sa révérence, jusque dans les années 1970, sans que les démocraties occidentales s’offusquent. Il ne supporte pas l’idée de devoir perdre ce pays dont le sous-sol en plus de l’or, regorge de divers autres métaux (fer, cuivre, aluminium, platine, chrome ,..) et d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel).
Au-delà du Mali qui se présente dans la nouvelle guerre de libération véritable que les pays de l’Afrique noire mènent comme un des pays phare de la ligne de front, on peut donc comprendre les causes du malheur de l’Afrique qui selon la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA), abrite 54 % des réserves mondiales de platine, 78 % de diamants, 40 % de chrome et 28 % de manganèse. « Dix-neuf des 46 pays d’Afrique subsaharienne possèdent d’importantes réserves d’hydrocarbures, de pétrole, de gaz, de charbon ou de minéraux et 13 pays explorent actuellement de nouvelles réserves ». L’Afrique est à n’en pas douter victime de ses richesses convoitées par le reste de la planète ; et toutes les stratégies pour empêcher son développement sont bonnes. Et au nombre de celles-ci il y a entre autres choses l’insécurité et la mauvaise gouvernance qui rythment le quotidien de ses ressortissants. « Les coups d’Etats font partie de nos agendas politiques » dixit le président Laurent Gbagbo qui sait de quoi il parle. Alors comment se développer dans un tel contexte où l’insécurité fait partie du quotidien ?
Des stratégies sous régionales pour s’en sortir
Pour faire face à cette stratégie d’étouffement, les Etats africains devront s’appuyer sur des politiques sous-régionales des grands ensembles comme l’ont préconisé les pères fondateurs de l’Union africaine tels que Kwamé Nkrumah, Gamal Abdel Nasser, Mohamed V, Sékou Touré, Ahmed Ben Bella, Patrice Lumumba, sans oublier le plus récent tombé sous les balles du complot occidental, le colonel Mouammar Kadhafi.
Face à l’armada impérialiste, aucun pays tout seul ne peut rien, seules des stratégies sous-régionales comme celle conclue récemment en Afrique de l’Ouest dans le cadre de la Charte du Liptako-Gourma seront capables de relever le défi. C’est l’unique voie de succès et de libération véritable du continent.