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Des décisions prises pour réguler la société dans plusieurs domaines ne sont jamais respectée, et l’attitude des autorités font d’elles des interdictions autorisées
l’éditorial du 03 aout 2021Télécharger

Whisky en sachet, marché florissant

Le 12 septembre 2014, trois ministres du gouvernement camerounais signent   conjointement un arrêté pour interdire la vente du whisky en sachet et en bidon, qualifié de liqueurs nocives, et ce à partir du 12 septembre 2016. Les  ministres de la Santé publique, du Commerce et celui des Mines, de  l’industrie et  du développement technologique justifiaient leur décision par le fait que les producteurs locaux ne se conformaient pas à la réglementation.  A la date indiquée dans l’arrêté d’interdiction, deux ans plus tard, le marché était encore plus que fourni par ces produits. Un an après ce délai, c’est-à-dire 3 ans après l’arrêté, le ministre de l’Administration territoriale qui avait constaté que le whisky en sachet se portait plutôt bien, avec ses conséquences induites sur la montée de l’insécurité, faisait signer le 16 août 2017 par le Secrétaire général de son département ministériel, une note adressée aux 10 gouverneurs des régions, avec pour objet « arrêt de la production et de la consommation des whiskies en sachet et en bidon ». La note dit « en vous faisant tenir ci-joint copie de l’arrêté conjoint numéro 006011/Minimidt/Mincommerce/Minsanté du 12 septembre 2014, j’ai l’honneur de vous demander d’inviter vos collaborateurs à différents niveaux, à prendre des mesures appropriées en vue de la mise en œuvre des dispositions y contenues. » Dans la foulée, entre temps, on a aussi vu certains sous-préfets, de façon isolée, signer des décisions d’interdiction de ces produits, des décisions dont la portée ne traverse pas souvent la porte du bureau du signataire.

Décisions ignorées…

7 ans après la décision des trois ministres, l’effet reste nul. La décision avait pourtant été prise non seulement à la suite d’une enquête de l’Agence des normes et de la qualité qui avait  prouvé que ce whisky en sachet contenait un fort taux de méthanol très nocif à l’organisme, notamment au système nerveux, mais aussi parce qu’il faisait l’objet d’une production incontrôlée et nourrissait le marché de la contrebande, faisant une concurrence déloyale aux opérateurs du secteur. Aucun des trois aspects du problème n’a été résolu 7 ans après.  Sous diverses appellations, le whisky en sachet est au contraire présent dans tous les kiosques qui jonchent les rues des villes et des villages, dans les boutiques, à la gare routière. Plus grave, il est prisé par une large frange de la population qui peuple le secteur informel. Des conducteurs de motos taxi affirment à haute voix que c’est quand ils consomment quelques sachets qu’ils voient bien la route, sous-entendu qu’ils roulent à tombeau ouvert, sans le respect du moindre code de la route. Leurs attitudes dans la circulation en ville confirment bien qu’ils voient la route plus que tous les autres automobilistes, même s’ils finissent quelques fois en dessous des camions. Les conducteurs de ces camions ne sont pas non plus en reste. Le whisky en sachet fait partie des pièces d’identité, le conditionnement permet d’ailleurs qu’il se glisse facilement dans le portemonnaie ou sous le veston. Sous l’emprise de quelques sachets, ils se comportent également comme les « saigneurs » de la route. Le milieu de la délinquance et de l’insécurité se nourrit également de ces produits, fractionnés pour satisfaire la bourse la plus petite. 150 francs cfa suffisent pour acquérir trois sachets, assez pour se doper et se sentir au-dessus de tout le monde, et surtout de la loi.

Comment  un arrêté d’interdiction de manifestation d’un sous-préfet peut-il être plus puissant et produire plus d’effets qu’un arrêté conjoint de trois ministres de la république ?

…et improductives

Que valent finalement les décisions gouvernementales au Cameroun, en matière de régulation de la société ? Pas grand-chose. A côté de ces sachets de whisky qui ont la peau dure, il y a le plastique non biodégradable qui continue d’emballer les marchés, il y a le carburant frelaté qui nargue les autorités même à proximité des stations-services classiques, il y a les gares routières insolemment installées dans les centres urbains, il y a les boites des jeux de hasard installés en plein air à tous les carrefours, qui engloutissent les pièces de monnaie à longueur de journée. On peut en citer à profusion, des produits, commerces et pratiques frappées d’interdiction, mais qui ont pignon sur rue, et qui ont finalement tiré le pouvoir dans la rue. En matière d’application de ces interdictions, le constat est simple, l’autorité a démissionné. On dirait même qu’elle refuse de voir ces infractions, pour ne pas dire qu’elle l’encourage. Comment comprendre que pour une manifestation d’un parti politique, un sous-préfet d’un arrondissement signe un arrêté d’interdiction, et 24 heures avant, les lieux pressentis sont minés par les forces de l’ordre toute couleur confondue, avec lance-eau  pour empêcher que la manifestation n’ait lieu, alors que trois ministres signent un arrêté d’interdiction, appuyés par le patron de la territoriale qui rappelle aux gouverneurs la teneur de la note, et que jusque-là on ne voit pas l’ombre d’un homme en tenue à la traque ces produits dont les effets néfastes ne sont plus à démontrer ? En quoi une foule qui manifeste dans la rue pour deux heures de temps serait-elle plus dangereuse que le whisky en sachet qui décime les vies, alimente l’insécurité et entretient le grand banditisme ? Comment  un arrêté d’interdiction de manifestation d’un sous-préfet peut-il être plus puissant et produire plus d’effets qu’un arrêté conjoint de trois ministres de la république ?

Priorité à la protection du pouvoir

Cette attitude de deux poids deux mesures met en évidence deux choses. D’abord que le sous-préfet, à qui incombe le devoir de faire respecter la loi et préserver l’ordre public au niveau de la plus petite unité administrative qui est l’arrondissement, ne manque pas les moyens de faire appliquer ces décisions. Il peut à tout moment réquisitionner la force de l’ordre à cet effet, et il le démontre bien quand il s’agit d’empêcher la tenue d’une manifestation publique. Ensuite, avoir à disposition la force de l’ordre et l’utiliser à géométrie variable, cela ne peut être guidé que par les résultats recherchés. En empêchant une manifestation publique de se tenir il protège le pouvoir, en empêchant la vente du whisky en sachet il protège la santé des populations et réduit le taux d’insécurité. Entre les deux, le choix est vite fait, au regard de toutes ces décisions d’interdictions dans le but de protéger la population qui restent lettres mortes… des années après

Roland TSAPI
pour le Sillonpanafricain.net

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