Par Joel Tchassom pour le sillonpanafricain.net
La nomination de Sylvain Riquier au poste d’ambassadeur de France au Cameroun, en remplacement du général Thierry Marchand, ne relève pas du hasard. Elle s’inscrit dans une logique de redéfinition de la stratégie française en Afrique. Alors que le Cameroun s’apprête à vivre une élection présidentielle sous haute tension en octobre 2025, dans un climat d’incertitude sur l’avenir politique du pays, Paris a choisi d’envoyer un diplomate chevronné, au profil technique et non militaire. C’est un signal clair : la France opte désormais pour une influence plus subtile et sophistiquée, loin des pratiques de la Françafrique d’antan.
Le profil de l’ambassadeur : un choix stratégique pour gérer la transition
Le parcours de Sylvain Riquier, diplômé de l’École nationale des chartes et de l’ENA, est révélateur de sa mission. Archiviste de formation, il est un homme de l’ordre, de la méthode et de la gestion. Son expérience aux Comores, où il a œuvré pour une coopération économique axée sur le secteur privé, est particulièrement instructive. Cette approche pragmatique, qui lie étroitement développement et intérêts des entreprises, est la clé de la nouvelle stratégie française.
Contrairement à son prédécesseur, dont le passé militaire évoquait un rapport de force, Riquier incarne la “diplomatie de l’influence”. Il ne s’agit plus d’imposer, mais de convaincre et d’accompagner. Sa mission sera de s’assurer que la transition politique au Cameroun se fasse sans heurts, tout en préservant les intérêts économiques et stratégiques de la France dans une région d’Afrique centrale de première importance.
Un contexte explosif : L’épreuve du panafricanisme et la succession de Paul Biya
La nomination de Riquier intervient à un moment charnière. La montée du panafricanisme, porté par les jeunes générations camerounaises, remet en question la tutelle de la France. Les réseaux d’influence traditionnels, qu’ils soient financiers, politiques ou même liés à des sociétés secrètes comme la franc-maçonnerie, sont scrutés et critiqués. C’est dans ce climat de défiance que l’ambassadeur doit opérer.
Sa mission est donc double :
- Gérer la délicate question de la succession de Paul Biya, le président en poste depuis 1982. La France souhaite une transition maîtrisée, qui ne déstabilise pas la région et qui garantisse la pérennité de ses partenariats.
- Encourager un “dialogue” entre le gouvernement et l’opposition, en veillant à ce que ce processus ne remette pas en cause les intérêts français.
En résumé, la France ne se retire pas du Cameroun. Elle s’y positionne différemment, en envoyant un homme capable d’agir avec finesse et discrétion. Sylvain Riquier est l’artisan d’une Françafrique 2.0, plus moderne et plus subtile, mais dont la finalité demeure la même : assurer la pérennité de l’influence française en Afrique.
