« Je voulais aussi dire aux Camerounais qu’il y a aussi des étrangers qui ne sont pas content de ce qui s’est passé en Suisse avec l’assassinat de Félix Moumié. »
Franck Garbely
Trois questions à Franck Garbely. Journaliste, cinéaste, réalisateur du documentaire intitulé “ L’Afrique sous contrôle– L’assassinat de Félix Moumié ” du Cameroun rendu public en 2005. Franck Garbely a accepté de se confier à la rédaction du Sillon Panafricain
Bonjour Mr Garbely. Quel est le sentiment qui vous anime quand vous voyez une jeunesse africaine et camerounaise en particulier s’intéresser à l’histoire de leur pays d’origine ?
Je suis très enthousiaste, très content et je félicite cette jeunesse. Ce que je peux également dire, c’est une très bonne chose de s’occuper de l’histoire de son pays et je pense que la mémoire d’un pays est un trésor très précieux à conserver et surtout bien prendre soin de cela.
En tant que réalisateur du documentaire intitulé “L’Afrique sous contrôle– L’assassinat de Félix Moumié ” parmi tant d’autres, quels sont ou ont été les raisons qui vous ont poussé à porter votre choix sur Félix Roland Moumié ?
Je suis un Suisse et j’habite la Suisse. J’ai constaté qu’ici très souvent, les gens s’occupent très peu de l’histoire de l’étranger et pourtant, il y a beaucoup de choses qui se passent ici et Félix Roland Moumié en est une illustration que le monde ignorait et je voulais savoir. Pour des raisons que l’on ignore, on laisse faire. On constate qu’un agent secret Français avait assassiné un étranger sur le sol Suisse sans que cela ne daigne inquiéter qui que ce soit. Je voulais savoir ce qui s’était effectivement passé et laisser le fruit de ma découverte qui est une trace de l’histoire, à la postérité. Je voulais aussi dire aux Camerounais qu’il y a aussi des étrangers qui ne sont pas content de ce qui s’est passé en Suisse avec l’assassinat de Félix Moumié.
Moumié selon les témoignages recueillis ici et là, était quelqu’un de très engagé, de très courageux, il se battait pour son pays. Il avait un seul but : Celui de se sacrifier pour son pays. Mais d’autre part, et ça peut être un peu gênant, il aimait bien les femmes, la bonne bouffe, il dépensait beaucoup d’argent et il avait ses petits plaisirs. Mais bon ça le rend presque un peu humain. Ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’il n’a pas pu penser qu’on organise un coup contre lui. Aller dîner avec un journaliste qui était en fait un militaire français, et surtout de se fier, de raconter beaucoup de choses à une prostituée, c’était très, très naïf. Je ne dirais pas qu’on aurait pu éviter, mais il aurait gagné quelques années supplémentaires.
Quelle a été la réaction du public aussi bien en Afrique qu’en Europe après la diffusion du documentaire en 2005 et aujourd’hui?
Le film a été très bien reçu aussi bien au niveau du Cameroun que de l’étranger. Beaucoup de personnes ont apprécié notre travail et comme toute œuvre humaine, il y a aussi eu des critiques. Sinon on ne regrette jamais d’avoir écrit une page de l’histoire d’un pays.
Je crois qu’il faut vraiment faire tout ce qui est possible pour arrêter d’enterrer l’histoire. C’est le dernier moment. Car ceux qui savent, ceux qui ont vécu les événements commencent à devenir âgés. Beaucoup sont déjà partis. D’ici quelques années il n’y aura plus personne pour raconter. Les témoignages des anciens sont particulièrement importants, car beaucoup de documents du Cameroun ont été détruits pendant les années de la répression. Et les documents qu’on trouve dans les archives ont souvent été établis par les Français ou viennent du pouvoir installé par les Français.
Propos recueillis par Hugues SEUMO
pour sillonpanafricain.net