Lundi 7 décembre, 17 millions d’électeurs ghanéens sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau président et leurs députés. Ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest figure parmi les bons élèves dans une région en pleine effervescence, une réputation que le scrutin de lundi devrait consolider, estime Christopher Fomunyoh. Il est directeur régional en charge de l’Afrique de l’ONG américaine National Democratic Institute, qui scrute les droits politiques et libertés. Il est présent à Accra en tant qu’observateur international et répond aux questions de notre envoyée spéciale Christina Okello.
RFI: Quels sont les principaux enjeux du scrutin du 7 décembre ?
Christopher Fomunyoh: Ce sont des élections très importantes pour les Ghanéens parce que c’est la deuxième fois que les deux principaux candidats se retrouvent dans une compétition qui s’annonce très serrée, c’est aussi une épreuve supplémentaire pendant une année difficile, impactée par la Covid-19 . Beaucoup d’Africains, beaucoup de Ghanéens, beaucoup d’amis du Ghana sont en train de suivre ça de près pour voir si le Ghana va pouvoir réussir cette épreuve : organiser des élections crédibles et paisibles.
Êtes-vous satisfait de l’organisation du scrutin ?
Je suis très épaté, satisfait par la solidité ghanéenne. Jusqu’à présent je pense qu’il y a un consensus national qui s’est développé, d’abord juste sur le fichier électoral, les Ghanéens sont très fiers d’avoir pu inscrire plus de 17 millions d’électeurs pour ces élections. Nous avons eu une présentation qui nous a aidé, faite par la commission électorale pour démontrer les dispositions qui ont été prises pour sauvegarder la fiabilité de la transmission des résultats, donc ils ont vraiment un système très bien pensé, très bien testé et ça me donne l’impression que les choses devraient bien marcher demain.
12 candidats sont en lice, mais on ne voit que deux, le président sortant Nana Akufo-Addo et son principal rival John Dramani Mahama, les mêmes d’ailleurs qui ont dominé la campagne présidentielle de 2016. Assistons-nous à un match retour ?
C’est un match retour mais un match amical. Parce que les deux candidats se connaissent très bien, les deux grands partis se connaissent, ils ont eu chacun à gouverner le pays, chacun a aussi joué le rôle d’opposant et je crois que quelque part ils voudraient sauvegarder la paix et la bonne réputation du Ghana. Nous avons aussi vécu vendredi la signature d’un code de bonne conduite où nous avons vu la participation de tous les candidats, ce qui démontre que quelque part il y a un engagement à respecter les règles du jeu, à être fair-play pour qu’effectivement -si le scrutin est transparent comme tout le monde le souhaite, l’issue soit acceptée par tout le monde sans contestation. Je suis très épaté, et favorablement disposé à voir un scrutin qui sera un succès et qui va trancher avec les expériences que viennent de vivre certains de nos pays africains
Comment expliquez-vous cette stabilité politique ?
Je pense que très tôt les Ghanéens ont pu trouver un consensus national sur les dispositions à prendre pour mieux gérer leur démocratie. Par exemple ils ont très vite inséré dans leur Constitution le principe de limitation du mandat présidentiel, d’emblée à 4 ans, alors que dans certains de nos pays africains on trouve des mandats à 5 ans et même à 7 ans pour certains, ici au Ghana c’est tous les 4 ans donc les gens sont habitués à aller aux élections tous les 4 ans. Deuxièmement ils sont à deux mandats présidentiels au maximum, ce qui fait que le renouvellement de la classe dirigeante, le renouvellement des leaders politiques devient de plus en plus une normalité ici au Ghana, donc les élections s’organisent avec fierté dans un esprit de fête alors que dans d’autre pays on trouve une tension parce que celui qui est là depuis un certain temps cherche toujours à se maintenir.
Revenons maintenant à la campagne présidentielle et aux attentes des électeurs, quelles sont leurs principales préoccupations ?
Les gens sont très focalisés sur les questions de projet de société, sur la gestion de la pandémie de Covid-19, sur la gestion du secteur de l’éducation, sur les questions liées aux infrastructures, donc on sent que les gens sont vraiment focalisés sur les projets de société, et c’est ce qui distingue un candidat ou un parti d’un autre. Et cela est aussi à saluer parce que nous connaissons beaucoup de pays où la campagne se focalise sur des personnalités, sur les insultes, les injures et je pense qu’effectivement pour ces élections, les électeurs sont bien informés des enjeux, de la manière dont ils devraient différencier les candidats les uns des autres.
Pensez-vous que le Ghana est un modèle pour les autres ?
Ce fut l’un des premiers pays à obtenir l’indépendance. C’est en 1957 que le Ghana a obtenu son indépendance, avec un père fondateur qui s’appelait Kwame Nkrumah, qui a beaucoup influencé les jeunes Africains, dans sa façon de vouloir valoriser la jeunesse africaine. Par rapport à ce que nous avons vécu en 2020, avec des élections très difficiles dans beaucoup de pays africains, je crois que beaucoup d’Africains s’attendent à ce que le Ghana puisse servir d’exemple pour démontrer que sur notre continent également nous avons la possibilité d’organiser de bonnes élections, des élections paisibles dont l’issue ne fera pas l’objet de contestation et de violence. Mais je pense que sur le plan mondial il faut reconnaître que la démocratie a été très mal menée. Quelque part le monde est un peu essoufflé, il était temps qu’on reçoive aussi des bonnes pratiques, des cas de succès, pour démontrer que la démocratie c’est un modèle qui peut marcher et si cet exemple vient de l’Afrique d’un pays comme le Ghana, ça devrait faire la fierté de chacun.
Par :Christina Okello – RFI
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