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La barbarie perdure au sein des forces de l’ordre. Malgré l’existence des textes qui encadre les interpellations, le ver ne veut pas sortir du fruit

Dans une vidéo mise récemment en circulation dans les réseaux sociaux, on peut voir des éléments de la police camerounaise en train de soumettre un citoyen à la torture pour le forcer à dénoncer ses complices. Assis sur le sol, les pieds joints et allongés, il est maintenu dans cette position par un autre policier à l’aide d’une chaise renversée, tandis que l’autre, qui lui-même bloque solidement au sol les pieds au niveau des tibias avec ses rangers, frappe sans cesse sur la plante des pieds à l’aide du plat d’une machette, en lui demandant avec qui il était.  Le supplicié clame aussi à répétition qu’il était seul. La scène se passe vraisemblablement dans une unité de police, et trois agents au total sont impliqués, en plus de celui qui fait la vidéo. Dans une autre vidéo, toujours sur les réseaux sociaux, un homme est maintenu au sol sur le ventre, les mains menottées derrière le dos, et deux policiers à l’aide de leurs bâtons frappent aux fessiers, lui demandant s’il va encore voler. L’homme supplie aussi dans la douleur, mais ses bourreaux sont à la manœuvre. Tous ces faits se déroulent en 2021, 14 ans après l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale, qui dispose en son article 122 : « (1) a) Le suspect doit être immédiatement informé des faits qui lui sont reprochés. Il doit être traité matériellement et moralement avec humanité. b) Au cours de son audition, un temps raisonnable lui est accordé pour se reposer effectivement. c) Mention de ce repos doit être portée au procès-verbal. (2) Le suspect ne sera point soumis à la contrainte physique ou mentale, à la torture, à la violence, à la menace ou à tout autre moyen de pression, à la tromperie, à des manœuvres insidieuses, à des suggestions fallacieuses, interrogatoires prolongés, à l’hypnose, à l’administration des drogues ou à tout autre procédé de nature à compromettre ou à réduire sa liberté d’action ou de décision, à altérer sa mémoire ou son discernement » 14 ans que cette loi est applicable au Cameroun, l’un des objectifs poursuivi par ce texte étant d’humaniser la police camerounaise dans l’ensemble, et toutes les forces publiques impliquées dans des procédures judiciaires. Mais la mayonnaise tarde à prendre, les habitudes ont la peau dure. L’acte d’interpeller un suspect, reste dans le subconscient des éléments de la force de l’ordre, associé à la violence, comme un réflexe. Comment comprendre ?

On ne leur avait pas appris à traiter un citoyen  interpellé autrement qu’avec violence, on ne leur avait appris à interroger un suspect autrement qu’au moyen de la torture. Interpellation et interrogatoire étaient intimement associés à la violence et à la torture.

Habitudes à la peau dure

Dans l’histoire de la science expérimentale il y a le réflexe de Pavlov, résumé ainsi : Ivan Pavlov, un scientifique russe né au milieu du 19eme siècle, travaillait sur la salivation des chiens. Au cours de ses expériences, il s’aperçut que cette salivation débutait en fait avant la présentation de la nourriture à l’animal. Ce dernier savait d’une certaine manière que l’heure du dîner approchait et préparait son corps à la prise de nourriture. En testant différents stimulus sonores qu’il répétait chaque fois avant l’arrivée de la nourriture, Pavlov réussit à faire saliver les animaux dès la perception du son. L’animal avait alors appris à associer un stimulus neutre, le son, avec un stimulus porteur de sens, la prise de nourriture. Cet apprentissage laisse une trace dans la mémoire de l’animal, qui lorsqu’il entend le son seul, pense inconsciemment à la nourriture et se met à saliver même si les conditions ont changé et qu’aucune nourriture ne lui est apportée. En résumé, le scientifique avait conditionné le chien à tel point que quand il sonnait la cloche, l’animal savait qu’il allait manger et commençait à saliver, même si la nourriture n’arrivait pas.

Depuis les luttes d’indépendance, les forces de l’ordre camerounaises étaient conditionnées de telle sorte que, quand elles entendaient le mot interpellation, cela stimulait en elles la violence. On ne leur avait pas appris à traiter un citoyen  interpellé autrement qu’avec violence, on ne leur avait appris à interroger un suspect autrement qu’au moyen de la torture. Interpellation et interrogatoire étaient intimement associés à la violence et à la torture. Cette méthode a d’ailleurs toujours été le propre des régimes politiques dictatoriaux. Mais depuis longtemps, les choses sont supposées avoir évolué, de nouveaux textes ont été adoptés pour coller au respect des droits fondamentaux de l’homme, aux libertés politiques et d’opinion, mais le réflexe lui est resté. Dans un récent point de presse, suite à la diffusion des images dans lesquelles les policiers et les forces de défense et de sécurité étaient violentées dans l’exercice de leurs fonctions, le ministre de l’Administration territoriale disait « tout individu surpris en train d’exercer des violences et des voies de fait contre un policier dans son travail fera désormais face à la loi. Cela ne servira à rien de tenter de fuir car un serpent affamé viendra vous chercher là où vous êtes cachés. » Ce qu’il n’a pas dit pas cependant, c’est que si les citoyens sont arrivés à s’en prendre violemment aux forces de l’ordre dans la rue, c’est en réaction aux attitudes de ces dernières qui ont en tout temps tendance à considérer qu’elles étaient au-dessus des autres citoyens du simple fait qu’elles arboraient l’uniforme de l’Etat. Les différentes lois d’encadrement, même le statut spécial du corps de la police  avec la batterie de sanctions disciplinaires qu’il prévoit, n’a pas encore atténué le réflexe de la violence chez l’homme en tenue.

Au plan primaire , l’instruction et la formation des forces de l’ordre devrait travailler à déconstruire ce réflexe de violence et de torture chez l’homme en tenue.

Le ver dans le fruit

Des sanctions en vue, mais le mal reste profond

Mais une fois de plus, le comportement de la police en surface n’est que la partie visible de l’iceberg, le mal est plus profond qu’on ne peut le penser. D’abord parce que le réflexe à la particularité de ne pas être réfléchi, il est automatique et répond à une programmation. Les policiers qui frappent et infligent des tortures aux suspects ne se rendent parfois pas compte qu’ils sont en train de le faire, c’est comme l’œil qui se ferme automatiquement à l’approche d’un danger ou comme le doigt qui rejaillit au contact d’une eau chaude. C’est dire qu’au plan primaire , l’instruction et la formation des forces de l’ordre devrait travailler à déconstruire ce réflexe de violence et de torture chez l’homme en tenue. Ensuite, on ne peut faire abstraction du fait que la violence est devenue commune dans la société camerounaise, elle est présente partout. Ainsi, même les conditions dans lesquelles les policiers travaillent souvent peuvent être source de violence, et expliquer pourquoi, une fois qu’ils sont en face d’un suspect, ils ont tendance à se défouler sur lui. Comme la femme qui donne la gifle de son mari à l’enfant, parfois c’est sa hiérarchie que le policier torture ainsi à travers un suspect, surtout que le statut spécial du corps leur interdit de se syndiquer, les privant ainsi du droit de manifester un quelconque mécontentement. Se défouler sur les citoyens devient alors pour eux, un exutoire

Roland TSAPI
pour le sillonpanafricain.net

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