Beaucoup de choses ont changé en Afrique de l’Ouest où l’irruption sur la scène politique des militaires nationalistes a complètement changé la donne. Et désormais, ce qui se passe précisément dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (A.E.S.), le Mali, le Burkina Faso et le Niger, n’a en réalité absolument rien à voir, ni avec une course engagée contre la montre, ni avec les tâtonnements que ces pays ont connus jusqu’ici, mais est plutôt de l’ordre des changement structurels. Et qui dit changement structurel dit révolution au sens où on doit l’entendre lorsqu’une force organisée, qu’elle soit civile ou militaire, consciente des enjeux en cause, renverse un ordre politique existant et décide d’installer à sa place un autre qui soit favorables aux intérêts supérieurs des populations dont il prend la défense. Pendant longtemps, ce sont les dirigeants favorables au statu quo de l’ordre néo-colonial mis en place depuis les années 1960 qui tenaient le manche. Désormais la boussole politique ne pointe plus dans la direction de la perpétuation de la domination politique et de l’exploitation économique ambiante, elle indique plutôt le nord en direction de la consécration du souverainisme. Dans une telle perspective politique donc, compte tenu du postulat qui veut qu’il n’y ait pas de vraie souveraineté sans faculté de contrôler absolument son territoire, son économie et ses finances, il se pose automatique le problème de battre monnaie. La conséquence logique de cette évolution pour les pays de l’Alliance des États du Sahel qui sont résolument engagés dans la logique de l’indépendance véritable, rend donc la rupture avec le franc CFA inéluctable. C’est une simple question de cohérence politique.
En effet, comprise comme telle, l’on ne peut et ne doit donc pas considérer cette démarche comme si elle était une réaction défensive mais comme une décision offensive sans laquelle il n’est pas possible d’atteindre les nobles et nécessaires objectifs que commande la prise en main de son destin. Dans une telle perspective, la création d’une zone monétaire doit être considérée comme un élément structurant du changement de paradigme politique, économique et social qui a lieu dans les trois pays signataires de la Chartes du Liptako-Gourma. Et, dans la même veine, si à un moment donné, au cours du processus révolutionnaire en cours, la nécessité a obligé que l’on commence par une alliance militaire dans le but de sécuriser le changement en cours, plus le temps passe, et plus pour la consolidation des acquis de la révolution, il faut aller plus loin dans la structuration de ses fondements politiques de fond qui, du militaire, doivent être étendus à la politique puis à l’économie et aux finances, afin de boucler la boucle. Et qui dit économie et finance dans un tel processus pense automatiquement à la monnaie et aux finances, qui sont le nerf de la guerre. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont résolument engagés dans la réalisation de ce qui doit être le véritable moule de la restauration de l’unité africaine telle que la concevaient les pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) en 1960. Et avec ce qui se passe dans ces trois pays pivots, l’on peut désormais dire que la véritable intégration politique et économique dont le continent avait besoin, est enfin en train de prendre corps. Et que concrètement, non seulement la volonté de la réaliser existe désormais, mais également et surtout, le processus qui y conduit est résolument et effectivement engagé.
Il est bien évidemment interdit de sombrer dans un optimisme béat qui ferait baisser la garde car, ni le pari, ni encore moins la bataille ne sont gagnés étant donné que ceux qui ne voient pas l’Afrique autrement que comme un réservoir de matières premières exploitables à volonté à leur guise et au détriment de ses populations, sont loin d’avoir dit leur dernier mot et désarmé. Et c’est d’ailleurs entre autres choses dans cette veine que se réunira en France un Conseil de défense exclusivement consacré à l’Afrique le 12 décembre 2023. Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Les dirigeants des pays de l’Alliance doivent en être conscients et se donner d’avantage les moyens de renforcer la défendre de la révolution africaine qu’ils ont le mérite d’avoir initiée dans leur espace géographique. Et dans un tel cadre et une telle perspective, l’union fait la force. Cela est loin d’être un slogan puisque cela a déjà démontré son efficacité en empêchant la CEDEAO de faire la guerre qu’elle voulait engager sous le faux prétexte de vouloir rétablir Mohamed Bazoun, le président déchu du Niger, dans ses fonctions. Il est absolument important de renforcer les capacités des Etats signataires de la Charte du Liptako-Gourma sur les plans politiques, militaires, économique et financiers.
D’ailleurs, il se murmure que lors de leur dernière rencontre les trois leaders de l’alliance A.E.S. ont évoqué trois grands projets : une zone de libre circulation, une compagnie aérienne commune et pour aérer tout ceci, évidemment, la clé de voûte ne peut pas être autre chose que la création d’une nouvelle zone monétaire.
L’Afrique toute entière a résolument besoin de nouveaux leaders qui prennent en compte les attentes de leurs peuples au travers des projets ambitieux : c’est à ce prix qu’elle se fera respecter dans les prochaines années car à côté d’un modèle imposé qui privilégie les intérêts des occidentaux, l’Afrique doit penser ou repenser son propre modèle pour éviter que ses fils continuent à risquer leurs vies en allant chercher un mieux vivre en occident ou ailleurs.
Pour le Sillon Panafricain
La rédaction
Le 10/12/2023