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Arrivé au pouvoir comme un messie, il s’est laissé vite prendre par les mêmes vices qu’il reprochait à ses prédécesseurs, au point de modifier la Constitution pour s’octroyer un mandat supplémentaire. Qui lui a été fatale

Le 5 septembre 2021, un coup d’état militaire a renversé le président de la Guinée Conakry Alpha Condé. C’est ainsi que l’on peut résumer la situation dans ce pays. Le coup de force était dirigé par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, le commandant du Groupement des forces spéciales (GPS), qui étaient jusque-là stationnées à Forécariah, à une centaine de kilomètres de Conakry. Le déroulé des évènements est tout aussi simple, tout s’est passé en l’espace de 10 heures maximum. Ce matin du 5 septembre, un dimanche, des crépitements d’armes automatiques sont entendus sur la presqu’île de Kaloum, dans le centre de Conakry, où siègent la présidence, les institutions et les bureaux d’affaires. Aucun mort n’est constaté et, dans un premier temps, la situation reste confuse, les autorités ne délivrant que peu d’explications sur l’incident. En début d’après-midi, le ministère de la Défense affirme avoir « repoussé » l’attaque des forces spéciales contre la présidence. Mais peu de temps après, les forces spéciales guinéennes assurent avoir capturé le président Alpha Condé et annoncent « dissoudre » les institutions. Les appels à la libération du président et au retour à l’ordre constitutionnel venus de la communauté internationale n’y changeront rien. Dans la soirée du même jour, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et les forces spéciales contrôlaient Conakry et retenaient Alpha Condé prisonnier. Le nouvel homme fort de la Guinée Conakry jusque-là peu connu, a été formé en France à la Légion étrangère et l’Ecole de guerre, mais aussi en Israël, au Sénégal et au Gabon. Ce quadragénaire est marié à une française et père de trois enfants, selon les médias guinéens. Titulaire d’un master 2 de défense et dynamiques industrielles de l’université parisienne de Panthéon-Assas, il s’est montré soucieux de trancher avec l’image de soldat violent et incontrôlable, comme les précédents putschistes qu’a connus le pays.

Comment est-ce arrivé ?

Tout avait bien commencé pour Alpha Condé, tout premier président démocratiquement élu en 2010, alors que le pays était jusqu’alors sous l’emprise des régimes autoritaires. Après avoir passé 20 mois en prison sous le régime de Lansana Conté, il observe la scène politique avec beaucoup d’attention à la mort de ce dernier suivi par la prise du pouvoir par le bouillant Moussa Dadis Camara en 2008. Il appelle alors au retour des civils au pouvoir et critique vivement les massacres du 28 septembre 2009 au stade Conakry. L’année suivante, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle prévue au mois de juin de cette année, et au premier tour il arrive en deuxième position derrière Cellou Dalein Diallo, mais remporte au second tour pour être officiellement investi comme l’homme neuf de l’ère démocratique. Il s’était d’ailleurs  présenté  comme le « candidat des femmes et des jeunes ».

11 ans après 2021, il est désormais accusé d’avoir plongé son pays dans la crise pour s’accrocher au pouvoir. Alpha Condé s’est en effet attiré une bonne dose d’adversaire et a même retourné ses sympathisants d’hier contre lui depuis sa révision constitutionnelle adoptée par voie référendaire en mars 2020. Un tour de passe-passe qui lui a permis de se présenter pour un 3eme mandat, comme le relèvent les observateurs.  Le 31 août 2020, son parti annonce qu’Alpha Condé sera candidat à un troisième mandat, une annonce qui  avait provoqué, des mois de tensions qui ont causé des dizaines de morts lors de manifestations réprimées dans le sang. Le 18 octobre, il est réélu à l’issue du premier tour de scrutin avec 59,5 % des voix ; son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, qui s’était proclamé vainqueur du scrutin avant la publication des résultats, est crédité de 33,5 % des suffrages par la Commission électorale nationale indépendante. Le 7 novembre  2020, la Cour constitutionnelle rejette les recours des quatre opposants, lesquels dénoncent des bourrages d’urneset proclame la victoire d’Alpha Condé. Ce dernier prête serment le 15 décembre devant la Cour constitutionnelle, devenant ainsi président pour la troisième fois, et appelle l’opposition à cesser les violences. Il est investi le 21 décembre 2020 pour un mandat de six ans par le président de la Cour constitutionnelle. Son élection avait aussi été marquée par l’arrestation de dizaines d’opposants. 

Alpha Condé s’est en effet attiré une bonne dose d’adversaire et a même retourné ses sympathisants d’hier contre lui depuis sa révision constitutionnelle adoptée par voie référendaire en mars 2020. Un tour de passe-passe qui lui a permis de se présenter pour un 3eme mandat, comme le relèvent les observateurs.

Révolte

Le coup d’état du 5 septembre 2021, personne ne l’a vu venir. On dirait cependant que certains Guinéens avaient juste plié le doigt après cette modification de la Constitution pour rester au pouvoir. Les manifestations s’étaient tues depuis un temps, tout paraissait calme. Caroline Roussy, chercheuse à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de l’Afrique de l’Ouest a confié au journal 20 minutes : « On ne s’y attendait pas, si on compare à celui survenu en août 2020 au Mali, il y avait eu préalablement de grandes manifestations, témoins d’une coagulation des mécontentements et d’une lame de fond civile. En Guinée, dernièrement, il n’y a pas eu d’indicateurs similaires, quand bien même la dégradation socio-politique et socio-économique se faisait sentir, il n’y avait pas d’éléments qui semblaient aller dans cette direction. » Vincent Foucher, un autre spécialiste de la politique africaine  a confié au même journal « Le président Condé s’était petit à petit isolé sur la scène régionale et sa manière de gouverner avait éloigné les principaux partenaires occidentaux. Si tout le monde condamne le coup d’Etat, on n’a pas l’impression qu’il y aura une forte pression pour faire reculer les putschistes. Comme au Mali, au Tchad cette année, ou bien en Guinée-Bissau en 2012, on se dirige vers une transition négociée, qui va valider le départ de Condé ».

Ainsi se tourne la page Condé, tristement. Il était pourtant apparu sur la scène politique comme un messie, endurant des mois de prison, se présentant comme le candidat des jeunes et des femmes. Il n’aura pas échappé à l’appétit du pouvoir, devenant ainsi ce que Alain Foka a appelé l’exemple parfait de l’échec de l’intellectualisme africain, allusion faite aux universitaires devenus chefs d’État, se muant à terme en dictateurs. Deux mandats comme le prévoyait la constitution ne lui avaient pas suffi,  il lui en fallait un troisième, et l’espoir d’hier est désormais l’humiliation d’un pays, toujours à cause de la soif du pouvoir. Alpha Condé apprend ainsi à ses dépens que « l’arbre que l’orage va emporter, ne voit pas le ciel s’assombrir. »

Roland TSAPI
pour le sillon-Panafricain

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